Visi(bi)lity : un blog anglophone sur les représentations des bi dans les séries et les films

Je vois passer pas mal de choses dans mes flux RSS et abonnements divers. Dans un monde idéal, j’aurais le temps de consacrer un article détaillé, des résumés, analyses etc.  à chacun des sites ou articles intéressants sur lesquels je tombe, mais visiblement ça n’est pas pour tout de suite. Alors je vais continuer à poster de temps en temps simplement des liens, avec un petit mot de présentation et quelques indications pour vous aider dans vos lectures. Je l’ai déjà fait plusieurs fois pour des sites en anglais (voyez ci à droite la catégorie « English trucs »). Aujourd’hui, je vous présente donc Visi(bi)lity, un blog consacré aux représentations des bi dans les médias audiovisuels et la fiction (principalement les séries TV et les films).

Visi(bi)lity est une série d’articles publiés récemment sur le site BitchMedia. BitchMedia est un webzine américain, qui sert de pendant web au magazine Bitch: Feminist Response to Pop Culture, qui paraît depuis 1996 (vous pouvez trouver plus d’informations sur eux sur le FAQ de leur site). BitchMedia a eu récemment la bonne idée de publier une série d’articles sur les bi via un blog intitulé « Visi(bi)lity », consacré aux représentations (ou non représentations) des bi dans les médias et les fictions. Ce blog est tenu par Carrie Nelson, une étudiante en media studies et militante queer (son profil sur le site est là).

Le blog a démarré début mars 2012 par un article intitulé : « Visi(bi)lity: Deconstructing Images of Bisexuality in the Media ». Il commence à y avoir pas mal d’articles, mais on peut accéder à tous facilement en passant par la catégorie « bisexual visibility ». Les articles ne sont pas nécessairement très longs, mais ils contiennent toujours une bonne dose de réflexion sur les stéréotypes et les représentations associés aux bi. L’auteure, cinéphile et passionnée de séries, s’intéresse surtout aux médias audiovisuels, mais évoque aussi un ou deux livres de temps en temps. Le niveau d’ensemble est impressionnant, et les billets sont publiés avec une régularité encore plus impressionnante. En termes de niveau de langue, ça n’est pas particulièrement ardu à lire (en dehors des notions de base LGBT en anglais, il n’y a pas vraiment de vocabulaire technique ou de tournures familières à tous les coins de phrase).

Je vous présente ci-dessous une sorte d’index des billets qu’elle a publiés jusqu’à présent, pour vous permettre de naviguer plus facilement vers les sujets qui vous intéresseront :

6 mars 2012 : Visi(bi)lity: Deconstructing Images of Bisexuality in the Media. Principe du blog et réflexion générale sur l’invisibilisation des bi et les stéréotypes qui leur sont attachés quand on les représente.

7 mars 2012 : Visi(bi)lity: Bi the Way and the Realities of Bisexuality. Sur le documentaire américain Bi the Way consacré aux bi : pas mal, mais maladroit et insuffisant selon Carrie Nelson.

8 mars 2012 : Visi(bi)lity: Cynthia Nixon and the Politics of Labels. Sur les propos de l’actrice américaine Cynthia Nixon à propos de sa bisexualité ou non.

13 mars 2012 : Visi(bi)lity : Biphobia Bingo ! A Look at Basic Instinct. Sur les représentations associées à la bisexualité dans le film Basic Instinct, dont la Grande Méchante est présentée comme bi.

14 mars 2012 : Visi(bi)lity: In Praise of Callie Torres. Sur un bon personnage de bi à la télé américaine : Callie Torres dans la série Grey’s Anatomy.

15 mars 2012 : Visi(bi)lity: America’s Next Top Bi Icon: Introducing Laura LaFrate. Sur Laura LaFrate, personnalité de l’émission de télé réalité américaine America’s Next Top Model, qui s’identifie comme bi.

20 mars 2012 : Visi(bi)lity: Glee‘s Problem With Bisexual Men. Sur la représentation de la bisexualité masculine dans la série américaine Glee.

21 mars 2012 : Visi(bi)lity: Isn’t It Bromantic ? Sur la représentation hétérocentriste des amitiés masculines à partir d’une critique du film Humpday, exemple d’histoire basée sur une « bromance » *.

22 mars 2012 : Visi(bi)lity: « A 51st Century Guy »: A Few Words on Jack Harkness À propos de Jack Harkness, personnage récurrent de deux séries de SF britanniques : Doctor Who, pilier de la BBC destiné à un public familial, et (surtout) Torchwood, la seconde étant un spin-off plus hardcore destiné davantage à un public ado-adulte.

27 mars 2012 : Visi(bi)lity: Bisexuality as Rebellion: Sexualizing Women’s Friendship. Sur la représentation de relations sexuelles entre femmes dans la fiction comme moyen d’exprimer la rébellion des personnages contre l’ordre établi.

28 mars 2012 : Visi(bi)lity: A Tale of Two Alexes: Bi Coming-of-Age Narratives. Sur les histoires de personnages féminins bi dans les séries The O.C. et Degrassi: The Next Generation.

29 mars 2012 : Visi(bi)lity: Post-Bi ? What Skins Can Teach Us About Labels. Réflexion sur le besoin (ou non) de catégories et d’étiquettes (gay, hétéro, bi, etc.) à partir de la représentation de la sexualité dans la série britannique Skins.

3 avril 2012 : Visi(bi)lity: Performing Bisexuality. À propos des chansons pop du type « I Kissed A Girl » de Kate Perry etc. qui représentent les stars comme bi… très physiquement pratiquantes.

5 avril 2012 : Visi(bi)lity: Insivi(bi)lity in the Culture Wars. Sur des propos du pasteur Ted Haggard – généralement opposé aux droits des homos – au sujet des bi.

6 avril 2012 : Vis(bi)lity : How the Savage U Premiere Barely Exceeded My Extremely Low Expectations. Sur le traitement de la bisexualité dans une émission de Dan Savage (un journaliste américain gay qui parle souvent de sujets en lien avec les sexualités).

10 avril 2012 : Visi(bi)lity : John Irving Tackles Biphobia in New Novel. Comme le dit le titre : un nouveau roman de John Irving dans lequel il aborde la bisexualité et la biphobie avec un degré de nuance bienvenu.

11 avril 2012 : Visi(bi)lity : Queer as Folk Broke My Heart. Sur le personnage de Lindsay Peterson dans la série américaine Queer as Folk et les stéréotypes négatifs associés à la bisexualité dans cette série.

13 avril 2012 : Visi(bi)lity : The L World‘s Messy Exploration of Straight Privilege. Sur la représentation de la bisexualité dans la série The L World.

17 avril 2012 : Visi(bi)lity : Finding Realism in Rose By Any Other Name. Sur la websérie Rose By Any Other Name, dont le personnage principal est une femme qui s’identifie comme lesbienne avant de se découvrir bi lorsqu’elle tombe amoureuse d’un homme.

18 avril 2012 : Visi(bi)lity: How Bideology Battles Biphobia. Sur la série de documentaire Bideology qui s’intéresse aux relations entre bi et entre femmes hétéro et hommes bi.

19 avril 2012 : Visi(bi)lity: Is Social Media the Final Visi(bi)lity Frontier ? Sur le rôle positif que peuvent jouer les réseaux et médias sociaux du type Tumblr en faveur de la visibilité des bi et du combat contre la biphobie.

24 avril 2012 : Visi(bi)lity : Toward a Visible Movement. Constat alarmant sur le fait que les organisations bi manquent de financements, et appel à les aider. J’ajoute que ça vaut aussi pour la France !

Le blog est toujours actif : il n’a pas de page propre, mais vous pouvez le suivre par flux RSS en vous abonnant au flux général des articles de BitchMedia, ou en retournant voir le site ou la catégorie « bisexual visibility » régulièrement.

Voilà, j’espère que ce petit guide de lecture vous sera utile !

* Bromance : mot anglais moche formé à partir de « romance » et « brothers » et désignant une relation de grande proximité entre deux amis (hommes) intimes, mais sans rien de sexuel.

Bi'cause le 23 avril : rencontre avec l'association Contact (familles de LGBT)

Comme d’habitude, je relaie les annonces d’événements de l’association parisienne Bi’cause :

La prochaine Bi’causerie organisée à Paris par l’association Bi’cause aura lieu lundi prochain 23 avril au Centre LGBT Paris à partir de 20h. Elle consistera en une rencontre avec des membres de l’association CONTACT, un regroupement d’associations départementales présentes un peu partout en France et qui rassemblent des parents et familles de lesbiennes, de gays, de bisexuel-le-s et de transsexuel-le-s. Je copie ici la présentation de leurs activités sur le site que j’ai donné en lien :

CONTACT est une Union d’associations départementales ayant pour objectifs d’aider les familles et leurs amis à comprendre et à accepter l’homosexualité ou la bisexualité de leur fils, de leur fille ou de leurs proches ; d’aider les lesbiennes, gays, bisexuel-le-s, à communiquer avec leur entourage ; de lutter contre les discriminations et les autres formes d’homophobie. A ce titre, elles sont composées de lesbiennes, de gays, de bisexuels, ainsi que de parents et proches d’homosexuels et de bisexuels.

La discussion durera jusqu’à environ 23h, mais il y a moyen de partir plus tôt si vous avez un long retour après, ou du boulot tôt le lendemain, etc.

Pour vous tenir au courant des activités futures de Bi’cause, vous pouvez aller voir l’agenda sur leur site. Bi’cause a aussi une page Facebook.

Pour entrer en contact avec l’association CONTACT, il y a plusieurs sites et adresses mail possibles selon la région où vous vous trouvez : le mieux est d’aller voir sur leur site. Pour l’Île-de-France, c’est là.

Pour savoir comment aller au Centre LGBT Paris, voyez la page d’infos pratiques de leur site.

MISE A JOUR LE 18 : J’ajoute le texte plus détaillé de l’annonce officielle transmise par Bi’cause :

Bi’causerie

échange discussion avec l’association

CONTACT Ile de France

23 avril 2012 – 20 h – Centre LGBT

« CONTACT Paris Île-de-France est une association familiale qui a pour but d’aider à l’acceptation de l’homosexualité dans le cadre familial par l’établissement ou le rétablissement du dialogue entre parents et enfants. »

CONTACT trouve son origine dans l’expérience associative d’un ancien président du MAG (association des jeunes gais lesbiennes bi et trans) confronté régulièrement aux difficultés des jeunes pour avouer et faire accepter leur homosexualité à leurs parents, et aux ruptures familiales qui pouvaient en découler.

Voici un extrait de la charte éthique :

NOUS PARENTS, AFFIRMONS :

  • Que nos enfants homosexuels font partie de notre famille.
  • Que nous les acceptons tels qu’ils sont.
  • Que nous voulons qu’ils puissent vivre ce qu’ils sont.

NOUS HOMOSEXUEL-LE-S, AFFIRMONS

  • Que notre famille est incomplète si nous sommes rejetés.
  • Que nous voulons être acceptés tels que nous sommes.

Une brochure intitulée « Notre enfant est homosexuel » est disponible auprès de l’association et sur le site internet : http://asso-contact.org/brochure-parents-2007.pdf

La bisexualité n’est pas une identité ni une orientation plus aisée à avouer et faire accepter que l’homosexualité. Il y a une véritable nécessité à prendre en compte les difficultés des jeunes bi dans leur parcours de « coming out ».

C’est pourquoi nous sommes très heureux de recevoir l’association CONTACT Paris Ile-de-France pour échanger sur ce thème. Pour cette bicauserie-rencontre, CONTACT Paris Ile-de-France sera représentée par trois mamans avec des degrés d’acceptation de l’homosexualité différents au départ et un jeune homme bi.

Nous vous invitons nombreux à apporter vos questions, réflexions et témoignages afin de nourrir cet échange.

Entrée libre

Centre LGBT, 61-63 rue Beaubourg, 75003 Paris – Après 20 h, sonnez.

Métro : Arts et Métiers, Rambuteau, RER Châtelet – Les Halles
Bus 38, 47, arrêt Grenier Saint-Lazare – Quartier de l’Horloge
Vélib’ stations n° 3010 et n° 3014

Bi’causerie est une rencontre organisée par l’association Bi’Cause, autour d’un thème relevant de la « culture bi » : arts, littérature, société… avec la participation d’une personnalité ou d’une association invitée.

Le 2e et le 4e lundi du mois, la Bi’causerie est ouverte aux adhérents, sympathisants, bi friendly, à tous ceux qui s’intéressent à l’univers de la bisexualité. Entrée libre.

Dans la peau d'un bi (2 de 2)

Voici enfin la seconde partie de mon article consacré au vécu et aux questionnements des bi. Il s’est écoulé beaucoup plus de temps que je ne l’avais prévu au départ depuis que j’ai posté la première partie. Pardon pour ce long délai ! Il s’explique en partie par mon peu de temps libre, mais aussi par le mal que j’ai eu à formuler et à organiser correctement les questions que je voulais aborder. J’espère que le résultat sera intéressant et à peu près lisible.

La première partie de cette réflexion de fond sur ce que c’est qu’être bi parlait principalement de mon ressenti en tant que bi dans la vie quotidienne. Maintenant, passons à la façon dont un bi mène sa barque dans la vie. Vous allez voir que les problèmes sont un peu différents de ceux que rencontreraient des personnes hétéro ou homo.

Peurs, problèmes, attentes

Qu’est-ce qui, dans la perspective d’une relation, peut me causer des interrogations, des inquiétudes, voire des craintes, en tant que personne bisexuelle ? Plusieurs choses.

La peur d’être rejeté en tant que bi. Autrement dit, la peur de la biphobie, mais le mot risque de vous tromper sur ce que je veux dire. Je n’ai pas spécialement peur que des types méchants viennent me jeter des pierres à la sortie du bar en hurlant « Bouh, sale bi ! » (en général, ils en ont surtout après les homos, et s’ils me jettent des pierres, ce sera probablement qu’ils me prendront pour un homo : la bonne nouvelle, c’est que je ne serai pas harcelé spécifiquement à cause de ma bisexualité, youpi…). Non, ce dont j’ai peur, c’est de la méfiance des gens avec qui je pourrais avoir envie de sortir, voire de faire ma vie.

Quand on sort avec quelqu’un du sexe opposé, on est supposé hétérosexuel par défaut. Quand on sort avec quelqu’un du même sexe, on est souvent supposé homosexuel par défaut. Une personne bisexuelle doit donc caser assez vite une petite explication : « Tu sais, je ne suis pas hétéro/homo (rayer ici la mention inutile), je suis aussi sorti avec des hommes/femmes (rayer ici la mention inutile), bref, je suis bi ». Et là, pas mal de choses dépendent de la réaction de l’autre. On se place en situation d’être jugé et potentiellement rejeté, de devoir expliquer, argumenter, convaincre, rassurer…

Dans une certaine mesure, c’est normal : la bisexualité est encore trop peu connue (pas autant que l’homosexualité, par exemple), et il est normal que les gens ne soient tout simplement pas au courant de ce que c’est. Là où commence la biphobie, c’est dans une attitude de rejet de l’autre parce qu’il vous fait peur. Et en tant que bi, j’ai peur de faire peur aux gens avec qui j’aurais envie de sortir. Je crains de parler de ça à quelqu’un et de lire dans ses yeux des choses comme : « Qu’est-ce que c’est que ce pervers ? », « Mais ce type doit être un obsédé ! », « Houlalà dans quoi je me suis engagé, pourquoi j’ai parlé à ce type ? », « Pourquoi je tombe toujours sur des cas sociaux ? », « Bon, je vais dire merci et me barrer vite fait », etc. Et bien sûr, il y a aussi les homos biphobes bien décomplexé-e-s qui connaissent très bien le truc (ou du moins pensent très bien le connaître) et assèneront sans vergogne des : « Bi ? Désolé, je sors pas avec les bi, ils sont (trop ceci, pas assez cela, coupables de tout plein de choses, pas assez parfaits par rapport au reste du monde en général, etc.) ».

Bref, je ressens une certaine crainte à l’idée de nouer une relation quelle qu’elle soit, et cela quel que soit le sexe du partenaire, puisque je suis susceptible d’être rejeté aussi bien par des hétéros que par des homos.

On me dira peut-être qu’il y a toujours la possibilité de garder secrète ma bisexualité, que chacun a droit à son jardin secret, etc. Mais je n’ai pas envie de vivre cet aspect de ma vie dans le secret, pour la bonne raison que ça n’est ni agréable ni utile sur le long terme. Admettons que ça puisse se concevoir pour une histoire d’un soir, mais dès qu’on parle de relations, cela suppose (à mes yeux) de pouvoir vivre en couple sans renoncer à être pleinement soi-même – et en l’occurrence, même si la bisexualité est très loin de me définir tout entier (heureusement !), c’est un aspect de ma vie trop important pour que je le fasse passer sous le tapis aux yeux d’une personne avec qui je recherche non pas seulement des moments torrides à intervalles raisonnablement rapprochés, mais « aussi » une confiance mutuelle.

Conclusion ? La tentation est grande de… sortir avec d’autres bi, pour se sentir mieux compris. Mais ça ne résout qu’en partie le problème, d’abord parce que les bi ne sont ni meilleurs ni pires que les autres pour le reste, et ensuite parce qu’il y a toutes sortes de gens très bien qui ne sont pas bisexuels… et pourraient sortir avec des bi, s’ils étaient assez bien informés pour ne pas s’enfuir en courant à leur approche.

Christophe Colomb rencontrant les Indiens d'Amérique.
Les bi sont autant de petits Christophes Colombs en herbe découvrant les Amériques sensuelles et sentimentales… (Source de l’image : Wikimedia Commons)

La solitude des bi en territoire inexploré. La bisexualité ne s’oppose pas seulement à l’hétérosexualité ou à l’homosexualité prises individuellement ; elle se distingue aussi de ces deux orientations sexuelles conçues comme des « monosexualités », c’est-à-dire comme des attirances envers un seul sexe. En plus simple : le propre de la bisexualité, c’est qu’on est attiré par deux sexes différents.

Quelles sont les conséquences propres à ce cas de figure unique ? Est-ce que ça change quelque chose en termes de besoins sexuels, de besoins affectifs ? Y a-t-il des adaptations nécessaires pour ce qui concerne la fidélité, l’exclusivité sexuelle ou sentimentale, la notion même de couple ? Une personne bisexuelle peut-elle parvenir à se contenter d’un seul partenaire pour une relation longue (voire pour la vie) ? Doit-elle rechercher plutôt une double relation, une avec une personne de chaque sexe ? Ou bien une relation stable et une série de relations courtes, ou deux relations stables ? Qu’est-ce qu’une personne bisexuelle peut demander de différent à son ou ses conjoints par rapport à une personne monosexuelle ? Quelles libertés accorder ou ne pas accorder aux autres en échange ? Où s’arrête le besoin, où commence l’abus ? Comment savoir si on n’en fait pas trop ? Si ça pose problème, est-ce qu’on va pouvoir trouver une solution durable au sein du couple ? Si ça ne pose pas problème, est-ce que ça va fatalement poser problème à un moment donné ou est-ce que ça ira ?

Aucune idée.

Qui se pose ces questions ? Tout le monde. Qui peut y répondre ? Personne, pour le moment : il y a autant de réponses potentielles que de personnes bisexuelles. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut pas dégager de grandes tendances, et c’est pourquoi il faut édifier une communauté bi capable de prendre en charge ces questions. Dans l’intervalle, c’est à chaque personne bisexuelle de déterminer, sur le tas et avec le temps, son propre fonctionnement, ses besoins, ses désirs, ce dont il ou elle ne peut pas se passer et ce à quoi il ou elle peut renoncer. Il n’y a pas de tradition, pas de grande instance de jugement, même pas d’études sociologiques sur le sujet qui permettraient de savoir comment les gens se débrouillent avec ça (pas à ma connaissance, du moins). Tout se joue au niveau des individus, et au niveau des couples. C’est à chaque couple de réinventer des règles, de fixer les libertés et les limites, afin de faire en sorte que chacun y trouve son compte. Sans parler des enfants, de la famille, des amis, et de la façon dont il faut à un moment donné leur expliquer tout ça. La vie des bi, c’est aussi ça.

Autrement dit, chaque bi est un peu un explorateur laissé quasi seul en territoire inexploré. Alors bon, le coup du « Dans la vie faut pas s’en faire, ça ira tout seul, pas besoin de se poser trop de questions », c’est bien gentil, mais, à ce niveau-là, ça va bien cinq minutes. D’où l’intérêt aussi de former une communauté et de discuter ensemble de ces problèmes qui nous sont propres.

Perspectives de vie

L’influence des lois et des grands modèles de relations. Si vous êtes hétéro aujourd’hui en France, vous héritez d’un modèle traditionnel invitant à trouver une relation stable, se marier, fonder une famille et avoir des enfants, même si la plupart du temps, ça ne se passe plus comme ça (on a des enfants avant de se marier, quand on se marie ; si on se marie, on finit souvent par divorcer ensuite, puis par avoir d’autres relations plus ou moins longues, d’autres enfants en même temps qu’on élève les précédents, etc.). Les histoires d’un soir et les relations courtes sont admises, les relations longues aussi. Vous pouvez vivre en union libre, mais si vous voulez formaliser une relation de couple, vous avez le choix entre le PACS, qui instaure des devoirs mutuels et des avantages utiles entre les conjoints mais n’accorde qu’un minimum de droits en matière d’héritage et de filiation, ou bien le mariage, plus contraignant mais plus complet dans ces derniers domaines et plus décisif sur le plan symbolique pour pas mal de gens. Seules les histoires à trois ou plus sont ignorées par la loi et jugées au mieux étranges par l’opinion.

Si vous êtes homo aujourd’hui en France, vous héritez des droits acquis de haute lutte par un peu plus d’un siècle de revendications en faveur des droits des homosexuels. Vous avez le droit de vivre comme vous voulez, et la loi doit vous défendre si vous êtes en butte à une discrimination quelconque portant sur votre orientation sentimentale-sexuelle. Vous pouvez rechercher des histoires d’un soir, vous engager dans des relations courtes ou longues, vivre en union libre. Depuis l’adoption du PACS en 1999 sous le gouvernement Jospin, vous disposez d’un cadre légal qui vous permet de formaliser une union de couple, avec droits et devoirs ; mais vous n’avez pas (encore) accès au cadre plus complet qu’est le mariage. Si vous souhaitez avoir un enfant, à moins d’être parent biologique, vous n’aurez pas d’autorité parentale sur lui, sauf peut-être par délégation. Vous n’avez pas non plus le droit d’adopter un enfant au titre de votre couple (vous ne pouvez le faire qu’à titre individuel). Vous n’avez pas non plus accès à l’assistance médicale à la procréation, pour le moment limitée aux situations d’infertilité ou de maladies graves pouvant être transmises à l’enfant (pour les femmes homosexuelles, le Sénat a essayé en juillet 2011, mais l’Assemblée n’en a pas voulu).

Et… si vous êtes bi aujourd’hui en France ? Hum… les deux ? Oui et non. Oui, parce que, techniquement, les bi sont concernés à la fois par les deux situations : ils sont les seuls à pouvoir potentiellement formaliser une relation avec une personne de l’un ou l’autre sexe. En l’état actuel de la loi, les personnes bisexuelles disposent de droits satisfaisants pour leurs relations avec des gens de l’autre sexe et de droits limités pour leurs relations avec des gens du même sexe. Des perspectives de vie pour le moins asymétriques… qui ne sont pas sans influence sur la façon dont les gens conçoivent leur vie et leurs relations.

Pas mal de facteurs entrent en jeu pour expliquer les choix individuels des bi, mais je crois que l’histoire personnelle joue beaucoup, selon qu’une personne bi se découvre d’abord attirée par les gens de l’autre sexe ou par les gens du même sexe. Tout simplement parce qu’il est assez rare, à mon avis, qu’un bi se sache directement bi et s’identifie directement comme tel. De même qu’une personne homo se pense d’abord hétéro par défaut, parce que c’est ça qu’on nous apprend à être pendant notre enfance et notre adolescence, de même, une personne bi s’identifie souvent d’abord soit comme hétéro, soit comme homo, et ne se rend compte que plus tard qu’il y a quelque chose qui cloche. Dans l’intervalle, les sphères de sociabilité vers lesquelles elle s’oriente sont différentes et influent sur sa vision des choses. Si au départ tout a bien fonctionné dans le moule hétéro routinier, la personne n’a aucune raison de remettre en cause le modèle traditionnel relation-maison-PACS-mariage-enfants (dans l’ordre que vous voulez), et au moment où elle se découvre bi, c’est sur cette base qu’il va falloir faire des ajustements : autrement dit, on se retrouve souvent déjà engagé dans une relation hétéro, voire PACSé-e ou marié-e, voire parent, au moment où le doigt du destin se pointe sur vous et vous révèle « HA HA, EN FAIT TU ES COMPLIQUÉ-E ». Si au départ on s’est cru homo, on peut se trouver fortement engagé dans la remise en cause du modèle traditionnel au point d’en venir à se définir entièrement contre lui ; mais dans ce cas, au moment où on se découvre aussi attiré par des gens de l’autre sexe, le modèle traditionnel en question resurgit et vient vous faire du charme en vous disant : « Mais si, c’est possible, tu peux être un peu dans le moule, ce serait confortable et puis si tu aimes beaucoup ton/ta chéri-e, pourquoi diable s’en priver ? »

Un autre facteur, proche mais distinct, est bien sûr le déroulement de la vie sexuelle-sentimentale, selon que la ou les premières relations longues se font avec des gens de l’autre sexe ou avec des gens du même sexe. Car même si on se sait bi, dès qu’on entame une relation, on se met sur des « rails de vie par défaut » différents selon qu’on est en couple avec quelqu’un de son sexe ou quelqu’un de l’autre. Toute relation suit par défaut un parcours de vie soit du type hétéro (avec la tentation de l’horizon de vie traditionnel, fonder une famille et tout) soit du type homo (juste une relation avec PACS possible, à moins d’aller dans un pays chouette où d’autres trucs sont permis).

Un tiraillement permanent entre des rails de vie binaires. La pression sociale générale incite à fonder une famille et à avoir des enfants (peut-être encore plus pour les femmes que pour les hommes). En plus, le parcours de vie hétéro est le plus tentant sur trois plans : il est le plus confortable socialement (c’est la normalité par excellence), le plus avantageux en termes de loi (ce n’est pas pour rien qu’on se bat pour l’ouverture du mariage aux couples de même sexe : c’est vraiment plus intéressant que le PACS), et aussi le plus gratifiant quand on veut être parent. Quand on est homo, on n’a pas le choix, il faut faire autre chose. Mais quand on est bi, on a virtuellement le choix, et la pression (y compris le modèle de normalité intériorisé dès l’enfance) est forte. Ajoutons que, les statistiques sur les orientations sentimentales-sexuelles étant ce qu’elles sont, il est beaucoup plus facile de trouver un partenaire de l’autre sexe qu’un partenaire du même sexe, puisque, quand on est bi, le nombre de gens du même sexe sexuellement/sentimentalement compatibles avec vous est nettement plus réduit que ceux de l’autre sexe (ce qui explique pourquoi la phrase de Woody Allen sur les bi super contents le samedi soir est une ânerie hénaurmeuh).

De l’autre côté, il y a la communauté LGBT où l’on peut envisager soit de se battre pour accéder à quelque chose de proche du modèle familial traditionnel (en réclamant le droit au mariage et à l’adoption), soit de partir dans quelque chose d’autre, dans des relations qu’on ne cherchera ni à faire reconnaître par une institution ni à faire déboucher sur la fondation d’une famille. Dans ce dernier cas, on sait qu’il y aura tout de même une sociabilité possible (on sait qu’on sera considéré comme bizarre et stigmatisé comme tel, mais qu’en fréquentant le milieu LGBT on ne sera pas tout seul pour résister et se battre). Cette pression d’une partie de la contre-culture LGBT prônant un rejet complet des institutions traditionnelles est tout aussi tentante et tout aussi forte dès lors qu’on ne se reconnaît plus dans le moule hétéro par défaut de la famille et du mariage. Mais elle a tendance à aller de pair avec une étiquette « homo »…

Jimmy Page, du groupe Led Zeppelin, en 1983.
Être bi, c’est devoir trouver l’harmonie sur une guitare double. (Photo : Jimmy Page en 1983, Wikimedia Commons.)

L’avenir entre deux mondes, ou l’horizon brouillé. A-t-on tout dit sur la situation des bi une fois qu’on a énuméré ces différents modèles de vie possibles et qu’on a ajouté qu’une personne bi a virtuellement le choix entre les deux ? J’avais dit « Oui et non ». Nous en arrivons au « … et non ». Parce qu’en réalité, ce qu’on imagine trop vite comme un « choix » n’est pas une liberté mais une angoisse… et cela d’autant plus qu’aucun des grands modèles de vie ne prend en compte tous les besoins potentiels d’une personne bisexuelle.

Si je suis hétéro ou homo, je sais que ma vie sentimentale et sexuelle, si aventureuse qu’elle soit, va se dérouler à peu près dans le même grand cadre. J’ai un horizon de vie par défaut, soit acquis, soit en partie à acquérir par la lutte, mais j’en ai un. La loi me reconnaît tous mes droits ou bien ne me les reconnaît qu’en partie, mais elle les reconnaît un peu. Et même lorsqu’une relation se termine, je peux déjà penser aux suivantes et je sais que les règles du jeu seront à peu près les mêmes. Si je suis hétéro, je peux concevoir sans problème d’avoir des enfants, de fonder une famille. Si je suis homo, je sais que ça va être compliqué : soit je fais un trait dessus, soit j’envisage de me battre pour mes droits ou d’aller à l’étranger pour pouvoir adopter. Que je sois homo ou hétéro, je peux envisager d’être dans des relations exclusives ou libres, ou encore de faire des infidélités à mon/ma partenaire, mais toutes mes (més-)aventures auront lieu avec des partenaires appartenant à un seul et même sexe, et le modèle de vie qui chapeaute tout cela restera toujours le même. Autrement dit, avec un schéma, ça donne :

Hétéro :

  • Fidèle et totalement idéalisé : une relation hétéro (donne des enfants).
  • Fidèle : une relation (donne éventuellement des enfants) PUIS une relation hétéro (donne éventuellement des enfants) PUIS une relation hétéro (donne éventuellement des enfants), etc.
  • Infidèle/unions libres : une relation hétéro (donne éventuellement des enfants) ET une autre relation hétéro (donne éventuellement des enfants) ET une autre relation hétéro (donne éventuellement des enfants), à mixer avec le modèle précédent ci-dessus pour la succession des relations au fil du temps.

Homo :

  • Fidèle et totalement idéalisé : une relation homo (pas d’enfants sauf si adoption).
  • Fidèle : une relation homo (pas d’enfants sauf si adoption) PUIS une relation homo (pas d’enfants sauf si adoption) PUIS une relation homo (pas d’enfants sauf si adoption), etc.
  • Infidèle/unions libres : une relation homo (pas d’enfants sauf si adoption) ET une relation homo (pas d’enfants sauf si adoption) ET une relation homo (pas d’enfants sauf si adoption), etc. à mixer avec le modèle précédent ci-dessus pour la succession des relations au fil du temps.

La monosexualité, au fond, c’est simple*.

(* Ce propos contient une part d’exagération humoristique. Je précise au cas où.)

Mais je suis bi, et ça n’a rien à voir. Selon que je sors avec une femme ou avec un homme, je me mettrai sur des « rails de vie » différents… et chaque nouvelle relation sera susceptible de les remettre entièrement en cause.

Imaginez le genre de vie que ça donne. J’ai 15 ans, je suis ado et je me pense hétéro. Je sors avec une fille, on s’aime follement, on voudrait se marier et avoir des enfants. Un mois après elle me quitte, zut. Période de mouchoirs puis de célibat. J’ai 17 ans, je rencontre un garçon. Il me plaît, on fait des choses ensemble : terrible révélation ! Serais-je homo ? Grande crise existentielle. J’accepte difficilement mes nouvelles attirances, puis je m’y fais. J’ai 18 ans. On pourrait se PACSer, tant pis, j’aurai pas d’enfants, de toute façon j’aime pas ça. Et là paf, il me quitte pour un autre : tous des salauds ces pédés. Je suis profondément troublé, j’essaie d’oublier tout ça. Je fréquente le milieu gay, je sors avec plein d’hommes. Je me dis que je dois être gay, d’ailleurs la fille avec qui je sortais avec le nez un peu carré et jouait à Diablo, je devais aimer son côté masculin (oui, c’est stupide, mais « je » n’ai pas fait de sociologie dans cet exemple). Allez, je m’identifie comme homo. Je renonce au mariage et aux enfants, de toute façon je suis un rebelle, j’ai 20 ans et j’emmerde la bourgeoisie. Je me dis qu’au fond je cherche surtout à prendre mon pied, je n’ai pas envie de m’attacher à quelqu’un. J’ai 21 ans quand soudain, j’ai le coup de foudre pour une femme ! Grande crise existentielle (2e épisode). Puis-je donc être attiré par les deux sexes ? Sur un site web je découvre le mot « bisexualité ». Exaltation et nouveaux doutes : si j’étais sorti avec cette fille, aurais-je réellement bandé au lit ? Ne suis-je pas victime de l’oppression hétéro dominante ? Vérification impossible, le coup de foudre n’a pas été réciproque. Je continue à sortir avec des mecs mais je regarde aussi les filles et tout cela me manque et en même temps je doute, je suis peut-être gay. A 23 ans je tombe éperdument amoureux d’une fille, mais nouveau râteau : je me dis que je ne plais qu’aux mecs et qu’il faudra que je m’y fasse. A 24 ans, râteau de la part d’un puis de deux mecs : je me sens maudit. Grande crise existentielle (3e épisode) et coup de vieux n°1. A 24 ans et demi j’ai une histoire d’un soir avec une fille, c’est le septième ciel, j’ai des sentiments pour elle : c’est confirmé, je suis bi ! On sort ensemble, un an, deux ans, trois ans : horreur, dans quoi m’engagé-je là ? Le mariage, les enfants réapparaissent, et le grand amour aussi. Je regarde toujours les hommes, mais ma chère et tendre me suffit, je me dis que les hommes ne m’attirent pas sentimentalement et que je devais être simplement en manque de sexe, et je suis convaincu d’être « en fait hétéro ». On se PACSe, on a un enfant : me voici papa, je vais sur mes 30 ans. Coup de vieux n°2. Deux ans après, ma relation bat de l’aile, on ne s’entend plus. Dans le même temps, les bras d’un homme me manquent, mais pas question d’en parler avec ma partenaire. Disputes, sanglots, nuits blanches. N’y tenant plus, je cherche un plan cul sur Internet. Sur les sites de rencontre gays on me rejette comme bi. Je me crée un autre compte en me présentant comme homo et je trouve aussitôt quelqu’un.  Quelques jours après ma partenaire découvre mon incartade : dispute violente, grandes explications métaphysiques, nous finissons par repenser notre relation sur une base ouverte, et… Je pourrais continuer longtemps, en ajoutant des enfants, une famille recomposée, des ex des deux sexes, des triangles amoureux de base bi, etc.

Bref : être bi vous complique un peu les choses. J’entends bien : la vie (surtout sentimentale) EST compliquée, quelle que soit votre orientation sexuelle/sentimentale. Mais je crois qu’être bi vous contraint à remettre beaucoup plus de choses en cause sur ce plan-là que le fait d’être hétéro ou homo, tandis qu’à l’inverse vous disposez de beaucoup moins de modèles à portée de la main dans la culture commune pour vous aider à penser votre propre vie. En un mot, on navigue à vue, tout le temps.

Conclusion : Evil Bisexuals From Space Killed Cupidon (à moitié)

Un dernier problème : le concept même de bisexualité fait buguer le Grand Mythe Amoureux de Tous les Temps, celui du couple exclusif et de la vie-à-deux-et-rien-qu’à-deux-les-mêmes « jusqu’à ce que la mort vous sépare ». Si vous êtes un homme hétéro, vous avez toujours vaguement l’espoir de tomber sur la femme de votre vie, bon, pas forcément LA femme idéale, mais quelqu’un avec qui vous pourrez concevoir de rester « toujours ». Si vous êtes un homme gay, vous pouvez chercher l’homme de votre vie : rien ne vous en empêche. Si vous êtes un homme bisexuel, ça devient un peu compliqué de penser ce beau rêve romantique, parce que quelle que soit la personne idéale que vous rencontrez, elle n’est en général que d’un sexe. À quelque moitié qu’elle appartienne, votre moitié n’est potentiellement jamais toute votre vie.

Potentiellement seulement, comprenons-nous bien : toute une partie des bi s’accommode à merveille du modèle du couple exclusif. C’est une affaire d’affectivité de chacun. Mais même lorsqu’ils s’en tiennent à cette exclusivité, l’univers des bi n’est, conceptuellement, pas aussi exclusif que celui des monosexuels : ils sont en état de désirer potentiellement des personnes de l’autre sexe, mais font passer leurs sentiments avant ça. Quant aux autres bi, ils doivent aller explorer d’autres modes de vie que le couple exclusif. Il peut s’agir d’ouvrir le couple sur le plan sexuel seulement ou bien aussi sur le plan sentimental. Il peut s’agir d’avoir l’homme ou la femme de sa vie, de fonder une famille avec, et d’avoir des partenaires occasionnel-le-s. Ou bien il peut s’agir d’avoir les deux êtres de sa vie, l’homme de sa vie ET la femme de sa vie. On entre dans les questions propres au polyamour. Ça part complètement en dehors de ce que prennent aujourd’hui en compte les modèles sociaux dominants de la famille, mais c’est possible, je connais des gens qui le vivent (et d’autres qui essaient, ou qui voudraient parce qu’ils ont l’impression persistante d’en avoir besoin).

Or, l’exclusivité du couple, c’est un socle traditionnel que l’hétérosexualité et l’homosexualité ont en commun, et qui, s’il n’est en soi ni conservateur ni novateur, peut facilement renforcer la domination traditionnelle historique du modèle du couple exclusif hétérosexuel, et renforcer la discrimination et la répression contre tout ce qui s’en écarte peu ou prou. Et c’est là que les bi s’en prennent plein la figure, même ceux que l’exclusivité ne dérange pas, parce qu’ils représentent conceptuellement une remise en cause de ce modèle.

C’est donc une cause de biphobie, mais c’est aussi, pour les bi eux-mêmes, un sujet d’inquiétude possible, car la perspective du Grand Amour ne sort jamais complètement indemne une fois lézardée par la découverte de leur attirance pour non pas un mais deux sexes. D’où l’angoisse : aurai-je un jour, moi aussi, mon conte de fée sucré ? Parfois on arrive à rester dans le moule, et parfois il faut bricoler… souvent. Le résultat est une vie qui ressemble un peu à la dispute entre les petites fées à propos de la couleur de la robe d’Aurore dans La Belle au bois dormant de Disney : ni rose, ni bleu, mais un mélange inattendu entre les deux. (Je viens de montrer que la robe d’une des princesses Disney est un symbole bi. Je suis terriblement fier de moi.)La princesse Aurore, avec sa robe bicolore rose et bleue, danse avec le prince.

Mais la question des rapports entre la bisexualité et l’exclusivité du couple est un sujet qui mériterait des billets entiers à lui seul, et j’ai déjà été terriblement bavard : je m’en tiens là pour cette réflexion !

Appel à témoignages de Bi'Cause sur la biphobie

Je relaie ici un appel à témoignages de Bi’Cause à tou-te-s les bi au sujet de la biphobie :

« Bonjour,

À Bi’Cause, à côté de nos activités régulières, nous avons souhaité lancer lors de la Journée Internationale de la Bisexualité du 23 sept 2011 une action de lutte contre la biphobie. Nous nous sommes rapprochés d’SOS-Homophobie et avons annoncé deux axes de travail :
– un axe d’analyse des manifestations biphobes pour établir des statistiques et affiner l’aide et les réponses,
– un deuxième axe qui serait un petit manuel de défense reprenant et démontant les clichés courants sur la bisexualité, ce que nos anciens avaient déjà commencé à faire (cf http://bicause.pelnet.com/html/doc/doc.htm)

Si la rédaction du petit manuel de défense ne dépend « que » de notre disponibilité à le rédiger (et ensuite à en financer l’édition !), le premier axe, celui des analyses, est conditionné par les témoignages des personnes. Or, pour l’instant et malgré une communication sur cette action, nous n’avons pas eu de retours pour nourrir notre travail. C’est le constat que faisait aussi le président d’SOS lors de la JIB : les bisexuels français victimes de biphobie n’appellent pas pour témoigner des discriminations dont ils ont été victimes en tant que bi.

Alors comment faire ?
Si la question vous intéresse, que ce soit pour aider au retour de témoignages, ou que ce soit pour contribuer à l’élaboration du petit manuel (traductions anglaises, graphisme, contenu des items…), vous êtes les bienvenus. Tout soutien et participation sera accueilli avec grand plaisir. :-)

Merci à tous
Nelly Ambert, présidente de Bi’Cause »

Participez ! Tout ce qui peut fournir des informations aux associations sur les discriminations est important, ce n’est pas encore bien connu !

Pour envoyer vos témoignages : association_bicauseAROBASEyahoo.fr

(En cas de difficulté pour contacter Bi’Cause, laissez un commentaire, les gens de l’association le verront sûrement et sinon je pourrai me charger de transmettre.)