[Evénement] Pique-nique Bi'cause samedi 25 août 2012

L’association bi parisienne Bi’Cause organise le samedi, 25 Août 2012, à partir de midi, un Pique-nique dans le jardin de Bercy, à Paris 12e. Le rendez-vous est fixé à l’entrée du Parc, côté village. La banderole de l’association servira de point de repère.
L’accès se fait par le métro Cours St Emilion (ligne 14).

Chacun est invité à apporter ses provisions, voire de quoi partager.

Pour plus d’informations sur l’accès, voyez la page du parc de Bercy sur le site de la Mairie de Paris.

(P.S. Une première annonce indiquait la date du 25 septembre, mais c’est bien le 25 août !)

Les bi américains dénoncent le "problème bi" de Google

Tout a commencé le 18 juillet, lorsque Faith Cheltenham, la présidente de l’association bisexuelle américaine BiNet USA, a publié sur le blog « Gay Voices » du Huffington Post un article intitulé « Google’s Bisexual Problem ». Elle s’y étonnait de l’étrange traitement réservé par le moteur de recherche Google aux mots-clés concernant la bisexualité (« bisexuality », « bisexual », mais aussi les mots français).

On n’est pas aidés

Le moteur de recherche de Google, dont on connaît l’ascension fulgurante due à ses performances hors du commun, possède deux outils qui font beaucoup pour sa rapidité et qui ont été repris par pas mal d’autres moteurs. L’un, intitulé « Auto Completion », affiche des suggestions automatiques chaque fois que l’internaute commence à taper un mot dans le formulaire de recherche (par exemple, si vous tapez « lesb », vous devriez avoir droit à des suggestions comme « lesbienne » ou « lesbianisme »). L’autre, plus récent, intitulé « Instant Search », opère sur les systèmes les plus rapides et consiste pour Google à commencer à proposer des résultats avant même que vous n’ayez terminé de taper les mots-clés de votre recherche. (Ce truc doit être un gouffre à énergie terrible, mais ce n’est pas le sujet.)

Or Faith Cheltenham s’est rendue compte d’une chose curieuse : lorsqu’on commence à taper des mots comme « bisexual » ou « bisexuality », aucune suggestion ne s’affiche et Google ne commence pas à faire la recherche. Elle a mis en ligne une vidéo Youtube  montrant la différence. J’ai moi-même fait le test avec les mots français « bisexualité » et « bisexuel » : mêmes absences de suggestions et de résultats instantanés.

Ce détail est moins anodin qu’il n’en a l’air. Lorsque vous cherchez quelque chose sur Google, vous avez l’habitude d’avoir l’impression que plein de gens avant vous ont déjà cherché les mêmes choses, et la recherche automatique vous montre dès le départ qu’il y a bel et bien plein de résultats sur le sujet en question. Mais si vous ne voyez pas la moindre suggestion s’afficher ? Vous aurez l’impression que personne ne cherche ça d’habitude. Idem pour l’absence de résultat : cela donne l’impression qu’il n’y a rien à trouver.

Ces deux impressions sont évidemment fausses. Mais elles ne sont pas dénuées d’impact potentiel sur les utilisateurs. On connaît le contexte actuel, très crispé, aux États-Unis sur la question du suicide chez les jeunes appartenant aux minorités sexuelles. Cheltenham estime (à juste titre, je trouve) qu’une telle différence peut renforcer le malaise des internautes mal dans leur peau et qui tenteraient de chercher des informations sur la bisexualité sur Internet. Elle rappelle en particulier le rapport alarmant publié en mars 2010 par la San Francisco Human Rights Commission, Bisexual Invisibility: Impacts and Recommendations, qui indiquait qu’une femme bi sur deux et un homme bi sur trois auraient envisagé ou tenté de se suicider, soit des taux supérieurs à ceux observés chez les homosexuel-le-s (eux-mêmes supérieurs à ceux observés chez les hétérosexuel-le-s). On sait d’ailleurs que c’est la même chose au Royaume-Uni. (En France, à ma connaissance, il n’y a pas encore eu d’étude à ce sujet…)

L’accès aux sources d’information sur la bisexualité est donc porteur d’enjeux cruciaux, et un « détail » comme celui-ci peut être lourd de conséquences, disons, dérangeantes. Et comme Google n’est pas exactement un petit moteur de recherche obscur que personne n’utilise…

Il y a donc deux choses alarmantes dans le « problème bi de Google ». La première, c’est qu’on s’explique mal l’absence de suggestions automatiques pour l’auto-complétion des mots-clés et pour les résultats de la recherche instantanée. Pourquoi diable cette différence dans les paramètres du moteur de recherche ? La seconde, ce sont les conséquences de cette différences pour les utilisateurs.

En réponse, Google fait des yeux de Bam… bi

Faith Cheltenham indique qu’en 2010, année où Google a commencé ce blocage, le Google Help Desk avait indiqué que cette différence était « un bug » qui « allait être réparé ». Mais au printemps 2012, rien n’avait bougé. D’où nouvelles démarches de Cheltenham, qui a obtenu le 2 juin cette réponse d’un porte-parole de Google :

« As you say, we’re strong LGBT supporters. Sometimes perfectly good search terms can trip up our algorithms that decide whether to show instant results. This can happen when our automatic filters detect a strong correlation on the (unfiltered) Internet between those terms and pornography. The effect varies from term to term, and keep in mind we handle billions of queries each day, 16 percent of which are new to us each day, across 146 languages. But we appreciate your feedback — it’s this kind of case that motivates us to keep working on our algorithms so we can get people the information they need as quickly as possible. » – Google Spokesperson, July 2nd 2012

Je traduis :

« Comme vous le dites, nous sommes fortement engagés en faveur des LGBT. Parfois, des termes de recherche parfaitement valides peuvent faire s’emmêler les pinceaux à nos algorithmes qui décident s’il faut ou non montrer des résultats instantanés. Cela peut arriver lorsque nos filtres automatiques détectent une forte corrélation sur l’Internet (non filtré) entre ces termes et la pornographie. L’effet est variable selon les termes, et gardez en tête que nous gérons des milliards de requêtes chaque jour, dont 16% sont nouvelles pour nous chaque jour, en 146 langues. Mais nous apprécions vos retours : c’est ce genre de cas qui nous motive à poursuivre notre travail sur nos algorithmes afin de pouvoir procurer aux gens les informations dont ils ont besoin aussi rapidement que possible. – Porte-parole de Google, 2 juin 2012

Google sollicite donc notre compassion : il est vrai qu’ils n’ont jamais mis en avant la rapidité et la fiabilité de leurs résultats, ni leur capacité en tant qu’entreprise à être meilleurs que les autres, et que ce n’est pas du tout comme ça qu’ils ont accédé à leur position dominante actuelle sur le marché. Il est vrai aussi qu’ils ont peu de moyens, peu d’employés et que deux ans est un délai bien court pour corriger un « bug ». On imagine les algorithmes animés d’une vie propre, dans les tréfonds des lignes de code, échappant peu à peu au contrôle des informaticiens, tels des raptors à Jurassic Park. Encore quelques messages comme ça et ils vont nous refaire Ghost in the Shell.

Bref, en ce qui me concerne : excuses non acceptées, capitaine Google.

Quant à l’argument de la pornographie, il me laisse plus que sceptique. Expliquez-moi comment le terme « bisexualité », associé à une orientation sexuelle qui commence à peine à faire un peu parler d’elle, pourrait être davantage associé à la pornographie que des mots comme « gay » ou « lesbienne » ou que les contenus pas spécialement labellisés avec des termes LGBT ? Y a-t-il donc une telle quantité de contenu pornographique spécifiquement labellisé comme « bisexuel » sur le Web ? Ou alors c’est ça, la matière noire de l’univers ? Sérieusement…

Mais au fond, ce n’est même pas à moi de chercher d’où peut provenir le problème : c’est aux équipes de Google de le faire. Le fait est qu’il y a un problème et que ce problème entraîne une inégalité de traitement entre les différentes orientations sexuelles sur le moteur de recherche Google.

De quoi écorner l’image impeccablement LGBT-friendly que s’est construite l’entreprise auprès du grand public.

Le coup de grâce ? En 2010, le problème concernait aussi un autre mot : « lesbian ». De plus en plus embêtant. Sauf que, toujours selon Cheltenham, le mot « lesbienne » a été débloqué depuis… mais pas les mots-clés concernant la bisexualité. Décidément, les voies des algorithmes sont impénétrables. De quoi se demander si Google ne se moque pas un peu du monde (et des bi en particulier). Et de quoi donner envie de recourir plutôt à d’autres moteurs de recherche, par exemple ceux qui n’emmagasinent pas les données des utilisateurs, comme Ixquick ou Duckduckgo.

Les bi persistent, et demandent à signer

La communauté bi américaine n’a pas l’intention d’en rester là, et c’est pourquoi une pétition a été lancée sur Change.org : « Google’s Technical Staff: Stop blocking the word « bisexual » from instant search results ».Pas besoin d’être américain pour signer, naturellement !

Je traduis le texte de la pétition si vous ne lisez pas l’anglais :

« Aux équipes techniques de Google : cessez de bloquer le mot « bisexuel » dans les résultats des recherches instantanées

Google a été un partisan de longue date des combats menés pour l’égalité des LGBT. Bloquer ce terme ne dénote pas une volonté d’inclusion et permet à un mythe répandu sur la bisexualité – selon lequel elle n’existerait pas réellement – de persister.

En tant que membre de la communauté bisexuelle, cela me choque personnellement. J’ai été l’objet de beaucoup de préjugés et de stéréotypes. Bloquer l’accès à l’information ne fera que perpétuer la biphobie.

Ou bien imaginez des adolescents et des adultes qui pensent qu’ils pourraient être bisexuels et qui se tournent vers Google pour chercher des informations. Que trouveraient-ils ? Qu’est-ce que cela leur ferait croire ?

 Imaginez aussi : vous êtes un parent dont l’enfant vient juste de faire son coming out en tant que bisexuel. Vous vous tournez vers Google pour chercher des informations sur la meilleure manière de soutenir votre fils ou votre fille. Néanmoins vous vous heurtez à des barrages routiers qui limitent ce que vous trouvez. Qu’éprouveriez-vous dans une pareille situation ?

 Je pense que Google a la responsabilité de refléter pleinement son soutien à la communauté LGBT et de faire avancer notre égalité avec les autres. Avec ce blocage toujours en place, ce n’est qu’une égalité partiale qui est reflétée.

 En signant cette pétition, vous demandez à Google de refléter de façon plus complète son engagement à soutenir la communauté LGBT. »

Notez que la pétition se concentre sur la contradiction entre le discours officiel de Google (qui se présente comme pleinement LGBT-friendly) et la réalité des paramètres de son moteur de recherche.

Affaire à suivre : j’espère que cette affaire fera encore parler d’elle, et que Google sera contraint de réagir. Ces algorithmes qui deviennent incontrôlables même pour les experts de Google, c’est tout de même flippant.

Des bi et des blogs, épisode Yagg

Curiosity est un très beau défaut. Nous ne sommes pas seuls dans l’univers bi de Yagg !

Je m’en doutais déjà, mais j’étais loin de connaître tous les autres blogs tenus par des Yaggeurs bi. J’en connaissais un, mais je viens de tomber sur deux autres (merci à Red pour le quatrième lien). Et vous ? Non plus ? Alors voici les autres, par ordre d’ancienneté :

« Prose (et quelques vers) », tenu par Prose, qui est une bi. Pour autant que j’aie pu voir, son blog est né en juin 2010 : elle a eu le temps de poster plein de réflexions intéressantes, ça vaut largement la peine d’aller fouiner un peu dans l’archive ! C’est le seul que je connaissais jusqu’à présent, honte à moi… et merci à Prose, dont la prose m’a beaucoup incité à venir bavarder ici aussi.

« Voile et vapeur », tenu par Mands, qui est un bi. Le blog remonte à juillet 2011, et il traite des deux sujets primordiaux que sont le sexe et les questions existentielles, ce qui ne peut que valoir la lecture !

« Le Biplan », tenu par Silvius, qui est un bi. (Pour les distraits : c’est moi, et c’est ici.) Je bavarde ici depuis décembre 2011.

« Bidelloïde », tenu par Roti, qui est une bi. C’est aussi la blogbenjamine de ce petit groupe, puisqu’elle s’est lancée en juillet 2012 et poste déjà des réflexions fort intéressantes sur l’identité bi.

Quatre vécus, quatre visions de la bisexualité, quatre façons d’écrire différentes, et sur le tas il y en aura toujours un pour poster quand les autres auront la flemme, hein ? ^_^ Ils sont bi, ils sont là, et en plus ils respectent la parité : deux femmes, deux hommes ! (« Et les trans et les intersexués, y z’y comptent pas dans la parité ? » – « Wouah l’aut’ tout de suite les questions qui fâchent… »)

Voilà, vous avez encore plus de lectures bi sous la souris, maintenant ! Et si vous connaissez encore d’autres blogs bi sur Yagg, voire d’autres blogs bi tout court, n’hésitez pas à compléter en commentaire ! (Je ferai un billet séparé pour les blogs bi hors Yagg, là c’était la séquence esprit de clocher.)

(Le titre auquel vous avez échappé : « Les quatre biscottaires ».)

EDIT le 18 novembre 2012 : le blog « Bidelloïde » de Roti n’existe plus, mais elle en créera peut-être un autre sur un thème proche. A suivre sur la communauté Yagg, donc !

"Coming out" de Mika : les étiquettes et la biphobie contre-attaquent

L’histoire de Mika et des médias dit énormément de choses sur la persistance des discriminations que subissent les minorités sexuelles aujourd’hui encore, les gays comme les bi.

Sa récente déclaration dans une interview à paraître en septembre, où il s’identifie comme gay, a suscité toutes sortes de réactions, pas toutes spécialement fûte-fûte, comme l’explique Xavier Héraud.

Mais il y a autre chose à dire là-dessus. Un point de vue bi sur la question, vous vous en doutez.

Rembobinage

Commençons par un petit rembobinage. En 2008, le magazine Out titre en couverture : « Mika: Gay/Post-Gay/Not Gay? », et l’article vaut au chanteur d’être accusé par certains de ne pas vouloir déclarer ouvertement qu’il (ou s’il) est gay. Dans une interview au même magazine fin janvier 2008, Mika déclare vouloir parler de sa sexualité sans utiliser d’étiquettes (« labels« ).

Le 23 septembre 2009, dans une interview à Bay Windows, Mika réitère presque le même genre de déclarations, à une petite nuance près : il accepte un peu une étiquette… celle de bisexuel. « I’ve never ever labelled myself. But having said that; I’ve never limited my life, I’ve never limited who I sleep with… Call me whatever you want. Call me bisexual, if you need a term for me… » (Source : Wikipédia anglophone, section « Early life » et note 17.)

Même discours quasiment dans une interview au Standard Evening le 11 mars 2010. Je cite deux passages de l’article, parce que je voudrais en profiter pour vous montrer quelque chose :

True to his policy of maintaining ambiguity about his sexuality, he won’t tell me if his last lover was a man or a woman, just that he had to leave them because they were ‘undermining’.

(…)

His name was chosen because it was ambiguous; it could belong to someone of any gender, from any country. Perhaps his studiedly ambiguous sexuality is also a clever PR choice. Is he simply being careful not to alienate his teenage girl fan base, in the tradition of our finest boyband members? Those were my cynical thoughts until I met him and heard him talk about love, about which he seems genuinely confused. He is single and claims to be going through something of a drought. ‘Love? I don’t know if it’s an option for me, really. I consider myself label-less because I could fall in love with anybody –literally – any type, any body. I’m not picky.’ That makes you sound easy, I say. ‘Ha!’ he laughs. ‘It’s not proving easy, it’s proving very hard. I’m a very bad flirt, I just don’t know how. And if I do like somebody, it almost never works. I don’t get hit on very often at all. Maybe it’s because I look like a bit of a bastard. But I’m too much in the moment to be arrogant. I hate people who rest on their laurels.’

Besoin d’une traduction ? Mika affirme : « Je me considère hors labels parce que je pourrais tomber amoureux de n’importe qui, littéralement, n’importe quel type, n’importe quel corps. Je ne suis pas difficile ». Réponse du journaliste : « Tu as l’air d’un mec facile quand tu dis ça ».

On est en plein cliché du bisexuel comme… ben, comme type facile, justement. Le fait de POUVOIR sortir avec une plus grande variété de gens est confondu avec le fait de VOULOIR sortir avec plus de gens tout court. Un peu comme si vous me disiez que vous savez parler dix langues différentes et que je vous répondais : « Wouah, tu dois être horriblement bavard! » Vous trouveriez ça logique ?

(Appréciez « accessoirement » le soigneux mélange de réprobation et d’humour pour faire passer la pique sur le mode « maaaaaaisaaaah on rigoleuuuh ». Oui mais non.)

Bref, et nous en arrivons donc au 3 août dernier, où une avant-première d’une interview à paraître en septembre dans le magazine Instinct révèle la dernière déclaration de Mika : « Yeah, I’m gay« .

Tout le monde titre donc : « Mika fait son coming out« .

Et c’est là que je dis non.

Mika avait DÉJÀ fait son coming out

Pourquoi non ? Parce que Mika avait déjà fait son coming out. Et cela dès 2008, en déclarant puis en répétant publiquement, dans ses interviews, qu’il ne voulait pas utiliser d’étiquette et qu’il se sentait capable de tomber amoureux et de coucher avec n’importe qui, façon très ferme de montrer qu’il ne s’enfermait pas dans la catégorie « hétéro ».

Si vous ou un de vos amis publiait ce genre de déclarations dans un magazine, je ne sais pas comment vous appelleriez ça. Moi, j’appellerais ça un coming out.

Et c’est là – encore une fois, en reprenant toute l’affaire au ralenti et en réfléchissant aux détails – qu’on voit à l’œuvre toutes sortes de mécanismes d’oppression. De la part des hétéros… et de la part de la communauté gay. Avec un jeune chanteur au milieu qui est supposé coupable de toutes sortes de mensonges, simplement parce qu’il est un personnage public et qu’il ne gagne pas trop mal sa vie (à ce que j’ai cru comprendre).

Les choses sont compliquées, mais c’est normal : tous nos vieux ennemis favoris sont là ! Regardez :

L’homophobie. Je ne vous la présente plus. Patente, gluante, sournoise. Le contexte général, c’est ça. Un personnage public, dans le monde du show-biz, qui fait des déclarations louches sur sa vie intime, ça n’est pas si facile que ça. Moins en 2008 qu’en 2012, d’ailleurs, je pense (l’ouragan Gaga était encore très loin d’avoir pris son essor). Donc, Mika ne peut probablement pas se permettre de raconter n’importe quoi publiquement le cœur léger. En revanche, il en parle dans ses chansons, mais ça ne dit rien sur sa vie privé.

Le problème, c’est que ça se retourne aussitôt contre lui. Deux spectres – non, attendez, trois spectres – entrent en scène :

Le spectre de l’homo refoulé, qui avance main dans la main avec notre plus cher ennemi le gaydar, grand renforceur de clichés. Mika est mignon ? Il est gay ! (C’est vrai que tous les gays sont mignons, c’est connu. Et puis, à 26 ans, on est supposé être moche et pas sexy, c’est connu aussi.) Il s’habille avec des couleurs vives ? Over gay ! (Les gays en costard cravate, ça n’existe pas, et d’ailleurs dans le show-biz on ne s’habille jamais avec des couleurs vives.) Il chante avec une voix aiguë ? Super gay ! (Tous les gays ont des voix de fillettes, connu aussi : revoyez La Cage aux folles, ce documentaire neutre et pertinent sur l’homosexualité contemporaine.) Il fait des gestes affectés avec les mains dans ses clips ? Hyperhyper gay ! (Et les hétéros,  vous avez vérifié ? Vous devriez : ils en font aussi…) Il s’entend super bien avec les filles ? Hypra gay ! (Hein, quoi ? si si, ne niez pas, vous avez déjà tenu ce genre de raisonnement…) Conclusion de ces analyses à la rigueur intellectuelle inattaquable : Mika est sûrement un homo refoulé. S’il ne dit pas la vérité sur sa sexualité, c’est qu’il a honte, qu’il a peur, qu’il est victime d’homophobie intériorisé, etc. C’est vrai, il a publiquement dit des trucs qui font que tout le monde sait qu’il n’est pas hétéro, mais à part ça c’est un lâche.

Le soupçon du « bisexuel chic ». Et plus précisément le spectre du bisexuel marketing, qui arrive dans une odeur de soufre, des billets pleins les poches, avec ses petites cornes en plastique et sa barBIche postiche. Il est là pour se faire des sous en se faisant passer pour un Rebelz à bon compte. Bouh, pas bien. D’accord, je ne dis pas que ça n’est jamais fait, bien au contraire. Il faudrait se demander si c’est si horrible pour la cause des gays et des bi, mais c’est une question complexe et ça nous éloignerait du sujet. Mika, chanteur encore à ses débuts, avait-il vraiment intérêt à mettre en place une stratégie pareille pour se faire connaître ? A-t-il pu le faire avec l’aval de sa maison de disques ? Je n’en serais pas si certain… Mais une chose est certaine : dès lors qu’on pense en ces termes, Mika n’a tout simplement plus de vie personnelle. Il devient aux yeux de la communauté LGBT une pure créature du capitalisme rampant, ce qui empêche complètement de garder les yeux ouverts aux trucs autres que l’argent qui pourraient le motiver ou le retenir aussi.

Et j’ai gardé pour la fin les deux dernières hydres du lot, qui vont main dans la main aussi :

La biphobie et sa compagne omniprésente l’invisibilisation des bi (et plus généralement de tout ce qui n’est pas monosexuel). La biphobie franche et crasse, on en a vu un puant exemple ci-dessus avec l’interview du Standard Evening. Mais c’est avant tout sa forme la plus sournoise, à savoir la négation pure et simple d’identités autres que les sacro-saintes catégories hétéro/homo, qui est à l’œuvre dans cette affaire.

Dans toute cette histoire, c’est comme si on n’avait jamais pris Mika au sérieux. Il dit : « je ne veux pas me limiter aux étiquettes », il dit : « si vous voulez me coller une étiquette, appelez-moi bisexuel », on répond : « Il est gay, il ne veut pas le dire ». Peu importe ici qu’il soit gay ou non finalement : ce qui compte, et qui me révolte, ce sont les réactions des gens (notamment mais pas seulement dans les médias, généraux et LGBT). C’est tout simplement scandaleux. Quand quelqu’un parle, peu importe qui, il faut prendre au sérieux ses paroles. La façon dont une personne se définit elle-même est la base de son identité. Tout le monde se tue à le dire, notamment pour les trans, mais toute une partie des gays n’est même pas fichue d’appliquer ça au quotidien. Homo refoulé ? Homophobie intériorisée ? Ce n’est pas votre problème, et ce n’est certainement pas une raison valable pour réagir avec des accusations. On ne colle pas une étiquette aux gens sans prendre en compte ce qu’ils disent sur ce qu’ils sont. C’est ce qu’on nous a fait trop longtemps, qu’on fait encore beaucoup trop, alors ne faisons pas la même chose !

Au fond, ce que montre ce concert d’articles titrés « Mika fait son coming out » et ces réactions narquoises sur le mode « On n’est pas du tout surpris, on le savait déjà », c’est qu’au fond le premier coming out de Mika, qui était un coming out de bi ou de queer qui refusait en bloc les catégories, n’a jamais vraiment été pris au sérieux. C’est de la biphobie, et c’est… de la queerphobie, si vous voulez. C’est la preuve en tout cas que tout ce qui n’est pas monosexuel (homo ou hétéro) est encore largement refusé au sein de la communauté.

Et des gays qui ne supportent pas le queer, c’est grave.

La dernière chose qui me révulse dans les réactions à ces déclarations de Mika, c’est le fait – typique de l’époque actuelle dans ce qu’elle a de débectant – qu’on donne à pleine tête dans l’essentialisme. Personne, absolument personne n’envisage jamais qu’il a pu se passer des choses dans la vie du chanteur entre 2008 et 2012 (quatre ans, quand même !). Le coming out est une révélation de la vérité intime et éternelle de la personne, qui a valeur rétroactive : tout ce qui a été dit auparavant était faux, soit parce qu’il y avait refoulement, soit parce qu’il y avait mensonge ou silence calculé. Mika dit en 2012 qu’il est gay : il en résulte qu’il a toujours été gay devant Dieu, de toute éternité, sans évolution possible.

Eh bien non, non et encore non, c’est une façon de penser stupide, oppressante et primaire. Ce que Mika est, c’est à Mika de le dire, s’il en a envie. Mais par pitié, concevez le fait que Mika a peut-être changé. Les gens changent. Le temps existe. La nature d’une personne n’est pas gravée dans le marbre. Le seul truc qui est en marbre gravé, c’est la pierre tombale (et encore, il faut avoir les moyens).

« Bi et pas sérieux s’abstenir »

Entendons-nous bien : il est tout à fait possible qu’on soit dans le cas d’une personne qui s’est toujours conçue comme homosexuelle, mais qui avait peur des réactions homophobes, et a donc commencé par se déclarer bisexuelle ou sans étiquette, puis a pris confiance et a enfin osé révéler son homosexualité. Cela arrive encore souvent, cela arrivera encore à l’avenir, j’en ai peur.

Ce que je voudrais, c’est que cela arrive de moins en moins. Car cela renforce le cliché collant du « bi maintenant, gay plus tard » qui fait énormément de mal aux gens qui s’identifient comme bi. Si, dans le cas présent, Mika a utilisé l’étiquette bi comme camouflage temporaire, on ne peut pas lui en tenir rigueur – ce n’est pas moi qui le ferai, en tout cas – car le contexte général est assez homophobe pour expliquer ce genre de tactiques. Mais j’aimerais qu’on ne généralise pas ça à tous les bi. « Bi » n’est pas un alibi et ne doit pas être un alibi.

Bien sûr, la lutte contre l’homophobie doit permettre aux gens qui s’identifient comme gays de le faire publiquement en toute confiance.

Mais dans le même temps, il est urgent de perdre les réflexes dualistes qui amènent encore tant de gens à tout réduire aux deux seules catégories « homo » et « hétéro ». Et c’est là-dessus que j’insiste, car c’est cet enjeu-là qui semble encore méconnu de trop de monde. Non, ce ne sont pas les seules étiquettes possibles. L’identité bisexuelle est une identité à part entière. L’identité « je refuse les étiquettes » devrait en être une également, autant prise au sérieux que les autres.

Visiblement, Mika avait raté son premier coming out : toute une partie des gens n’avait pas enregistré qu’il était « hors labels ».

Terminons pas une anecdote. Au moment de la sortie du film Kaboom de Greg Araki, dont le héros est un mignon jeune homme qui a des rapports avec des gens des deux sexes mais dit refuser de se limiter à une étiquette – exactement comme Mika entre 2008 et 2012 -, un chroniqueur radio avait eu le culot de dire que le héros du film était « hétérosexuel ». Si si. Il fallait le faire. J’avais râlé contre. Là, j’observe le cas exactement inverse, mais de la part de la communauté LGBT : quelqu’un dit refuser les étiquettes, et tout le monde prend ça comme une dérobade temporaire de la part d’un gay.

Mais allez, Mika est vraiment gay. Quel soulagement. Tout rentre dans l’ordre. Dormez, braves gens, vous aviez raison.

Pour une personne.

Bienvenue dans le monde des bi et des non monosexuels, l’univers où personne ne vous prend au sérieux…

[Evénement] Sortie ciné Bi'cause : "Laurence Anyways"

Cher(e)s ami(e)s,

Nous vous donnons rendez-vous pour une sortie cinéma,
le mardi, 7 août 2012, séance de 21 heures
RDV devant le Cinéma des Cinéastes
à 20h45

Le Cinéma des Cinéastes
7, avenue de Clichy 75017 Paris
Métro : Place de Clichy

pour voir
Laurence Anyways
Film franco-canadien réalisé par Xavier Dolan, avec Melvil Poupaud, Suzanne Clément, Nathalie Baye. Drame, 2h39, 2012.

Synopsis :
Laurence Anyways, c’est l’histoire d’un amour impossible. Le jour de son trentième anniversaire, Laurence, qui est très amoureux de Fred, révèle à celle-ci, après d’abstruses circonlocutions, son désir de devenir une femme.

Venez nombreux pour vous faire un avis sur ce film !

Quand l'Armée du Salut vous vire parce que vous êtes bi

Danielle Morantez, ancienne employée américaine de l’Armée du Salut à Winooski, dans le Vermont, a été employée par l’organisation pendant deux mois. Tout allait bien et ses employeurs lui témoignaient toute leur satisfaction pour son travail. Le vendredi 20 juillet dernier, elle émet des inquiétudes à propos du contenu du livret de l’Armée du Salut concernant l’orientation sexuelle et les discriminations à l’emploi, et fait son coming out en tant que bisexuelle dans le même temps. Le lundi, l’Armée du Salut la licencie et lui intime l’ordre de quitter les lieux. Motif : « sa position et ses positions personnelles ne s’alignent pas à 100% avec les valeurs de l’Armée du Salut ». Morantez se retrouve avec une petite fille de trois ans qu’elle peut à peine nourrir ; sans emploi, sa situation devient catastrophique.

Ce n’est pas la première fois que l’Armée du Salut se distingue par ses positions et ses propos discriminatoires envers les minorités sexuelles. Il y a un mois, un représentant australien de l’Armée du Salut, employé de longue date par l’organisation, avait déclaré publiquement que l’idée selon laquelle les gays doivent mourir faisait partie de la « doctrine chrétienne » de l’Armée du Salut. L’organisation avait présenté ses excuses à la communauté LGBT.

Danielle Morantez a lancé une pétition sur le site Change.org (elle a déjà recueilli plus de 50 000 signatures ; l’objectif est de 75 000).

Le texte complet de la pétition en anglais :

The Salvation Army fired me for being bisexual. I can barely afford to feed my child because I lost my job. I need your help so this never happens to anyone else ever again.

When most Americans think of the Salvation Army, they think of the group’s ubiquitous holiday red kettles and bell ringers. But there’s a dark side behind the smiles: the Salvation Army has a long history of attacking the civil rights of lesbian, gay, bisexual, and transgender people. Just last month, for example, the Salvation Army in Australia was forced to apologize after an official said that the belief that gays must die is part of the group’s “Christian doctrine.”

And now, this: the Salvation Army fired me from my job – the sole means of support for my husband and and my three-year-old daughter — because of of my sexual orientation.

For the first two months that I worked for the Salvation Army, everything went well. I doubled the number of clients the Salvation Army was able to serve on a daily and weekly basis, and I streamlined the group’s social services programs. My supervisors gave every indication that my work was exemplary.

But last Friday July 20, I raised concerns about sections in the Salvation Army employee handbook relating to sexual orientation and employment discrimination, and came out as bisexual in the process. On Monday, the Salvation Army fired me and ordered me escorted off the premises.

In my exit interview papers they claimed the reason for my termination was because my « personal beliefs and position do not 100% align with the values of the Salvation Army. »

My sexual orientation had absolutely no bearing on the job I did or the quality of my work, yet for the Salvation Army, it was reason enough to fire me. The Salvation Army – an organization that claims to be “Doing the Most Good” – chose to harm me and my family simply because I had the courage to be honest.

Firing someone for their sexual orientation is not “good,” it’s wrong. This needs to stop. Join me by signing this petition asking the Salvation Army to end employment discrimination against lesbian, gay, bisexual, and transgender people now!

After you sign my petition, please read more about my story at Truth Wins Out.

Rappelons qu’en France l’Armée du Salut est considérée par le gouvernement, outre son statut de congrégation religieuse à mission spirituelle (c’est un organisme protestant), comme une fondation à mission sociale reconnue d’utilité publique, et compte plus de 2000 employés. (Voyez son article Wikipédia.)

Le site officiel anglophone de l’organisation indique, sur la page « Mission » : « Its mission is to preach the gospel of Jesus Christ and to meet human needs in his name without discrimination ». Sur le site francophone, la Charte déontologique de la Fondation (ici en pdf) affirme : « La Fondation exerce toute son action sans tenir compte de critères religieux, raciaux, ou autres formes de discrimination. »