Les photos de nus en noir et blanc de Robert Mapplethorpe

MapplethorpeGrandPalais2014

Vendredi matin devant l’entrée du Grand Palais à Paris. Il fait un temps magnifique, sans presque aucun nuage, et la température grimpe rapidement. Sur la gauche du grand logo en forme de « m » marquant la porte principale du palais, l’affiche de l’exposition « Robert Mapplethorpe » se prolonge par une flèche pointant en bas à gauche vers la porte H. Mais entre les barrières destinées à séparer avec soin les visiteurs déjà munis d’un billet de ceux qui n’en ont pas encore, il n’y a personne ou presque. Seuls deux ou trois visiteurs, ignorant superbement le classement prévu, se dirigent vers l’entrée et disparaissent directement dans le musée.

J’attends mes amis pour entrer. Quelle idée d’avoir débarqué ici en avance. Je cligne des yeux, hésitant à enfiler déjà les lunettes de soleil. Il y a des nuages, mais la luminosité est déjà vive. Je cherche l’un des rares coins d’ombre et je bouquine en attendant. Je ne suis pas encore tout à fait réveillé et je suis vaguement de mauvais poil. Qui est ce Mapplethorpe, d’ailleurs ? J’espère au moins que ce sera bien. Mais j’ai confiance. Avec les mêmes amis, on a fait l’expo Masculin/Masculin à Orsay il y a quelques mois : bordélique, avec des partis pris parfois bizarres, mais superbe. Ça devrait être bien.

Mes amis arrivés, nous entrons. Aucune file d’attente, ni à l’entrée ni aux caisses : avantage de pouvoir visiter les expos en semaine. Il est possible d’acheter, pour 16 euros, un billet couplé avec l’exposition « Mapplethorpe et Rodin » qui a lieu en même temps au musée Rodin. Nous décidons de tenter la double visite. Décidément j’espère que j’aimerai. Après un aperçu de l’escalier monumental aux multiples dorures qui conduit à l’étage, nous entrons.

Un autoportrait de Robert Mapplethorpe nous accueille, le même qui figure sur l’affiche. Il date de 1988, à la toute fin de la vie du photographe, mort en 1989. Le fond est noir. Robert Mapplethorpe se tient droit et regarde fixement les spectateurs, le regard porté un peu vers le haut, comme pour atteindre quelque chose derrière nous, dans le lointain. C’est le visage ridé d’un homme d’âge mûr, aux traits un peu fatigués. Il tient dans sa main droite une canne métallique ornée d’un pommeau en forme de tête de mort qui regarde elle aussi les spectateurs en face. Mapplethorpe est vêtu d’un pull noir qui se fond presque complètement dans le fond noir : on ne voit pratiquement que sa tête, la tête de mort, et la grosse main qui tient fermement la canne. Je fais le parallèle entre la tête de l’homme encore vivant et la tête de mort qui ressemble à une promesse sinistre, dans le genre Memento mori. En même temps, il y a cette grosse main encore énergique, comme une tentative pour maîtriser cette mort qui s’approche.

Je jette un œil au premier panneau explicatif. Mapplethorpe est mort du sida. Ah merde. (C’est une honte récurrente qu’à chaque fois que j’apprends une mauvaise nouvelle ou une triste vérité de ce genre à l’improviste, je ne trouve rien de plus élaboré à penser.) Bien… Mapplethorpe a eu le temps de la voir approcher, la Faucheuse. Je renonce en grommelant à mes commentaires lassés sur la complaisance facile dans une esthétique macabre. C’est autre chose que le gothique outrancier à la Warhammer 40 000. Mapplethorpe, c’est l’univers des gays américains des années 1970-1980, dont des générations entières ont eu les luttes sociales et le sida pour préoccupations premières.

Le premier panneau explicatif était bien lyrique. Mapplethorpe qualifié d’artiste « obsédé par une quête esthétique de la perfection » (il va de soi qu’un artiste ne peut que donner dans l’excès, la modération c’est pour les médiocres… assez cliché, tout de même), puis comparé à Orphée (mouais, moyennement justifié en l’occurrence). Et surtout, l’exposition va progresser par ordre antichronologique, convocation du titre d’À rebours de Huysmans à l’appui. Hum. Moyennement justifié là aussi, faute d’explications supplémentaires. Bon, voyons voir.

Dès la première salle, je me rassure. Les œuvres sont bien mises en valeur, la présentation sobre et efficace, les panneaux explicatifs bien faits. En plus, il n’y a pas trop de monde, on ne se gêne pas (à part ces deux photographes empressées qui viennent se couler sous mon nez pour photographier les photographies systématiquement… une seconde, elles comptent photographier toute l’expo comme ça ? Boulets… Par bonheur, elles ont vite disparu).

La première salle présente des photos de nus masculins et féminins, en noir et blanc comme la grande majorité des œuvres de Mapplethorpe. Je suis très vite conquis. J’ai toujours trouvé que la photo en noir et blanc met plus facilement en valeur un sujet que la couleur ; et naturellement, quand un photographe professionnel s’y met…

Les hommes et les femmes sont photographiés dans des postures et avec une recherche sur les reliefs qui rappellent fortement la peinture et la sculpture académiques. Mais, même si l’influence des beaux-arts classiques est nette, Mapplethorpe travaille son support de choix avec un talent évident. Tantôt il met en valeur les courbes et les reliefs naturels du corps avec une attention au détail minutieuse, donnant à admirer le grain de la peau, ses ridules, ses plis, et la moindre pilosité, tantôt il noie des pans entiers de la photo dans une obscurité totale, d’où les modèles semblent surgir d’un coup, lorsqu’un effet de contre-jour parfaitement maîtrisé ne les métamorphose pas en ombres aux contours étrangement liquides.

J’ignore tout du détail des techniques employées, et les panneaux explicatifs, discrets et focalisés sur la démarche esthétique de Mapplethorpe, ne m’aident hélas pas à les comprendre. Mais l’effet esthétique est bien là. Bien qu’homosexuel dans sa vie personnelle (après une première relation avec une femme, Pattie Smith), Mapplethorpe, en tant qu’artiste, est visiblement amoureux des corps humains, ceux des hommes et ceux des femmes. Je ne peux que lui en savoir gré. Je commence à me poser la question habituelle quand on va voir ce genre d’œuvres, celle des limites plus ou moins troubles entre l’expérience esthétique et l’excitation érotique. Ces photographies sont superbes, elles rendent le corps humain admirable. Je tique un peu devant le physique des modèles de Mapplethorpe, des hommes nécessairement grands et musclés et des femmes minces aux poitrines généreuses. Même Mapplethorpe ne révolutionne pas tout à la fois. Tout de même, il a beaucoup travaillé avec Lisa Lyon, dont la frise chronologique nous apprend qu’elle a été la première championne du monde de bodybuilding en 1980. Sans prêter vraiment à confusion sur le genre (j’ai vu beaucoup plus queer sur ce plan-là), le corps de Lyon est nettement musclé.

À contempler ces photos, on comprend à quel point l’art permet de changer notre regard sur le monde. Il met en avant des aspects de notre expérience de la réalité qui restent souvent confinés au niveau de l’expérience intime, mais dont on ne parle jamais ou pratiquement jamais. Devant ces corps dont les poils, le duvet, les grains de beauté et le léger relief des veines sous la peau sont exposés avec tant de soin, je me prenais à me rappeler des souvenirs intimes, ces moments où, en faisant l’amour, on découvre le corps de l’autre, femme ou homme – un corps différent du nôtre, toujours étonnant, déconcertant, voire un peu fantastique dans son étrangeté. Ces moments où l’on se plaît à s’étendre sur le ventre de quelqu’un d’autre, à sentir avec la pulpe des doigts la douceur de son épiderme, à se lover entre ses bras, à sentir la chaleur de ses flancs ou le froid de la plante de ses pieds, à glisser sur les hauts plateaux de seins d’hommes ou à arrondir ses mains autour des collines mouvantes des seins d’une femme, à aventurer les doigts, le nez ou la bouche parmi les poils d’une aisselle, d’une barbe ou d’un pubis, à caresser ou à mordiller le lobe d’une oreille charnue de cartilage, la dureté plus grande d’un front et la mollesse veloutée des joues, à éprouver la fermeté des fesses, à se réchauffer à la chaleur humide d’un entrejambe, à se perdre parmi les réseaux de lignes d’une main ou dans le nœud de chair surprenant d’un nombril… Tous ces instants de joie secrète, partagée seulement à deux ou trois, où nous pouvons nous promener près d’un autre corps humain comme dans un paysage, un jardin où les détours bizarres de nos vies et les multiples contraintes qui orientent nos actes limitent impérieusement la durée et la fréquence des visites.

À d’autres moments, l’art de Mapplethorpe consiste au contraire à s’affranchir du figuratif. Le jeu des formes, des postures et des cadrages suscite parfois une hésitation ludique : on ne sait plus très bien quelle partie du corps on est en train de regarder. Sur d’autres photographies, les lignes des membres et des silhouettes dessinent des courbes, des cercles, des demi cercles ou des étoiles de bras et de jambes, créant une géométrie d’ombres et de lumières qui confine à l’abstraction. Cette démarche tend à réifier les corps, à les réduire au statut de simples instruments de la volonté du photographe qui change des humains en pures formes. Et pourtant, au détour d’un clair-obscur, souvent, on entrevoit encore ici ou là un carré de peau admirablement nette, ou bien c’est un regard qui vient intercepter les nôtres et nous rappeler que ce sont bien des humains nus qui composent ces édifices vivants, et que les corps en sortent d’autant plus magnifiés.

Des photographies de fleurs en noir et blanc qui alternent parfois avec les modèles humains. Malgré l’intérêt réel de cette alternance, par exemple sur un paravent noir montrant d’un côté deux photographies de nus masculins et de l’autre deux nus féminins, tous étant accompagnés plus bas d’une photographie de fleur, j’ai été moins touché par le résultat. Ces comparaisons entre silhouettes humaines et formes végétales me semblent trop éculées ; j’ignore si elles l’étaient déjà autant à l’époque de Mapplethorpe ou si elles le sont devenues par suite de l’influence d’artistes comme lui sur le monde de la photographie. Seules les quelques photos de fleurs en couleurs (presque les seules photographies en couleur de l’exposition) m’ont paru magnifiques, tant par la richesse des couleurs que par la mise en valeur des reliefs et des textures infiniment complexes des pétales et des tiges.

Un ami homo qui connaît bien la culture gay me donne quelques explications sur le caractère subversif des photographies de nus de Mapplethorpe, subversion qu’on perçoit moins de nos jours après trois décennies de changements sociaux et que les panneaux explicatifs n’aident pas à se remettre en mémoire – ils ont tendance à n’envisager la démarche de Mapplethorpe que sous l’angle de la recherche esthétique pure, en sous-estimant justement tout ce qu’elle avait d’underground à l’époque. Tout au long de sa carrière, Mapplethorpe a beaucoup travaillé avec des modèles noirs, ce qui n’est pas sans importance aux États-Unis à son époque. Les nus de la première salle sont des nus complets, presque de pures études anatomiques. Plus loin, on peut voir une photo montrant le buste et le haut des jambes d’un homme noir en costume-cravate dont on ne voit que les mains et le sexe, qui sort par son pantalon entrouvert. À l’époque, les rapports érotiques entre gens dits « blancs » et gens dits « noirs », considérés aux États-Unis comme étant de races différentes, sont encore un sujet sensible. Après tout, les mariages mixtes entre gens de couleurs différentes n’ont été autorisés là-bas qu’en 1967 ; et en 1968, le premier baiser télévisé entre une actrice noire et un acteur blanc (Nichelle Nichols et William Shatner, dans la série Star Trek), provoqua un tollé de la part des conservatistes. Dans les années 1970-80, bien que la question ait été déjà réglée sur le plan légal, ça n’était sans doute pas encore si évident dans la pratique.

Même chose aussi pour les photographies de baisers entre hommes et de couples de même sexe qu’on peut voir vers la fin de l’exposition. Ce type de photo s’est répandu depuis, mais c’est toujours un très beau moment que d’admirer ce genre de sujet traité par un grand photographe. Les postures choisies, les regards et le travail sur la lumière donnent à voir la tendresse de l’étreinte et la simplicité d’un instant de bonheur comme tous les couples doivent pouvoir en connaître.

Même chose, enfin, pour les quelques photographies au contenu le plus « hard« , rassemblées dans une salle munie d’un panonceau d’avertissement et fermée par des rideaux de cordelettes de tissu peu pratiques, d’un goût très moyen — on a l’impression d’entrer dans un peep show, alors que l’intérêt de ces photographie est justement qu’elles « font œuvre » autant que les autres malgré des sujets qu’on croirait a priori monopolisés par la pornographie. Ces quelques photos montrent des hommes habillés de cuir, ici un couple dominant/dominé, là une ou deux scènes de bondage (qui restent très sage par rapport aux déchaînements de la pornographie dans ce domaine, mais encore une fois, il faut replacer cela dans le contexte de l’époque : il était rarissime d’oser choisir un tel sujet pour des photos à prétention artistique). L’une des photographies les plus osées du lot est un autoportrait sur lequel Mapplethorpe s’est représenté de dos, penché en avant, montrant un fouet dont le manche est enfilé dans son anus tandis qu’il se retourne pour regarder l’objectif. Même dans ce cas, le travail sur le cadrage, la lumière et la posture confèrent à ce qui pourrait n’être qu’une provocation scabreuse une grandeur nouvelle et un impact esthétique d’autant plus fort.

Dans la même salle ont aussi été placées plusieurs photographies de sexes dressés ou d’hommes se touchant le sexe, dont je n’ai pas bien vu en quoi elles pouvaient tant heurter la sensibilité des spectateurs. Là encore, le talent de Mapplethorpe confère une beauté sculpturale à des sujets qu’on voit trop souvent traités sur le mode pornographique alors qu’ils n’ont rien de scabreux en eux-mêmes. Il est réconfortant de voir rappeler ainsi au plus grand nombre qu’un phallus peut « aussi » être un bel organe, beau dans son étrangeté, fascinant sans être fasciste. Une belle occasion de redécouvrir cet organe avec des yeux sinon naïfs, du moins affranchis du lourd symbolisme ou des préjugés de laideur qu’on lui associe souvent. Mais Mapplethorpe est aussi l’auteur d’une photo où l’on voit le bas-ventre d’un homme dont le phallus se dresse horizontalement vers la gauche, tandis qu’en haut de la photo la main de l’homme braque un revolver dans la même direction, parallèle à l’organe. Le symbolisme pacifiste et anti-phallocrate (au sens premier de l’adjectif) est évident.

Tout au long de l’exposition, les autoportraits de Robert Mapplethorpe se succèdent et, conséquence de l’ordre anti-chronologique, rajeunissent peu à peu. Le choix des poses, des cadrages et de la tonalité de ces photographies varie largement d’un autoportrait à l’autre, de sorte que leur regroupement à quelques murs d’intervalle n’est jamais ennuyeux. Certains autoportraits sont très classiques (de face, de trois quarts, en plan américain, en pied) mais beaucoup sont plus originaux. J’ai déjà parlé de celui au fouet, le plus provocateur. Sur un autre, Mapplethorpe est habillé en blouson de cuir noir, ce qui nous replonge dans ce que l’époque a de plus typique : on pense à des comédies musicales comme Grease (1972, portée à l’écran en 1978). Sur une autre, le photographe, allongé à demi assis sur un lit, regarde l’objectif en riant et étend le bras vers la gauche, comme pour inviter quelqu’un à venir s’installer près de lui. Sur d’autres encore, il a la chevelure abondante et les yeux maquillés, et il porte parfois un truc en plumes, en une pose androgyne qui rappelle que les années 1970 sont aussi l’époque de Ziggy Stardust de David Bowie.

L’un des murs de l’exposition rassemble pas moins de 26 portraits de célébrités de l’époque, écrivains (Truman Capote), peintres (Andy Warhol), acteurs (Richard Gere, Arnold Schwarzenegger), photographes (Annie Leibovitz), etc. Bien que la légende soit assez claire, les portraits m’ont paru regroupés de façon trop dense pour permettre de bien les admirer et de les identifier facilement ; mais c’est peut-être la conséquence des contraintes d’espace auxquelles a dû se plier l’exposition.

Même problème, mais moins gênant, pour la série des Polaroïd réalisés par Mapplethorpe au tout début de sa carrière et présentés à la fin de l’exposition. Dévoilées aux visiteurs au moment où ils sont sans doute le plus fatigués, beaucoup plus petites que les œuvres précédentes (c’est-à-dire postérieures) de l’artiste, ces photographies méritent cependant l’attention, car elles posent déjà plusieurs thèmes et engagent plusieurs démarches expérimentales que Mapplethorpe approfondit par la suite, qu’il s’agisse des nus, du travail sur les postures des modèles, des autoportraits ou du choix de thèmes parfois érotiques. Le panneau ouvrant l’exposition le soulignait avec lourdeur en indiquant que ces annonces d’un « programme » développé par la suite sont « le signe des grands artistes » (vive les généralités abusives).

La fin de l’exposition propose une frise chronologique reprise dans la brochure offerte à l’entrée. Avant de sortir, je jette un regard changé, plus sensible au jeu des ombres et des lumières, sur l’autoportrait à la canne-crâne. Et je lis le générique de l’exposition, dont j’apprends qu’elle a été organisée par la Réunion des musées nationaux avec l’apport prévisible de la Robert Mapplethorpe Foundation et le soutien de nombreux médias, mais aussi le mécénat d’une mystérieuse société « Aurel BGC ». Au retour, une recherche rapide m’apprend qu’il s’agit d’une société de Bourse… Heureusement que Robert Mapplethorpe est déjà mort : le voilà exposé au musée avec le soutien financier des traders du capitalisme international. La sortie a un goût amer. Mais je souris en pensant aux précautions comiques prises autour de ses photographies les plus « explicites », à leur regroupement dans une salle à part fermée par ces grotesques rideaux. Même si les artistes du dimanche sortis tout droit de la Bourse s’efforcent de récupérer l’art contemporain, la charge subversive de Mapplethorpe n’est pas encore désamorcée.

mapplethorpe-rodin-affiche

L’après-midi, nous allons visiter l’exposition du musée Rodin où les photographies de Mapplethorpe sont rapprochées d’un choix de sculptures de Rodin. Le rapprochement peut paraître arbitraire, mais cesse de l’être dès qu’on a jeté les yeux sur un nu de Mapplethorpe : nombre de ses nus font penser à des sculptures académiques, voire à des marbres antiques. Or Rodin a reçu une formation classique d’où il a tiré sa fascination pour la sculpture gréco-romaine.

L’affluence est nettement plus grande : beaucoup de touristes, majoritairement anglophones, se pressent à nos côtés dans la galerie percée de fenêtres ornées de vitraux qui s’avance dans une ancienne chapelle et forme la première salle. Outre le monde et le bruit, l’éclairage n’est pas idéal : les photographies sous verre sont barrées de nombreux reflets. Me voir au côté des modèles musculeux ou de la pulpeuse Lina Lyon n’est certes pas un drame, mais j’aimerais bien admirer les œuvres dans de meilleures conditions. Je lis les premiers panneaux. Ils sont bien écrits, ni trop laconiques ni trop envahissants, assez factuels. Dans les salles suivantes, ils savent renseigner en peu de mots sur les démarches des deux artistes et en montrer les points de rapprochement possibles ainsi que les différences, tout en invitant les visiteurs à réfléchir sur tel ou tel aspect de leurs œuvres respectives. C’est déjà ça.

Après la galerie, l’exposition est aménagée dans une seule longue salle où des cloisons et des panneaux de verre organisent un parcours sineux… un peu trop sinueux parfois, car je finis par ne plus savoir ce que j’ai vu ou non et si je suis bien l’ordre prévu pour la visite. Je reviens sur mes pas, je croise des touristes dans les allées trop étroites pour le grand nombre de visiteurs qui s’y presse. Je m’arrête, saisi par la beauté d’une photographie ou d’une sculpture ; je reste là à regarder ; on me passe devant ; je recule d’un ou deux pas pour admirer l’œuvre de plus loin, mais je manque déranger un visiteur occupé à regarder les photographies exposées sur la cloison opposée ; on me repasse devant ; je soupire mentalement et passe aux œuvres suivantes.

Rodin n’est pas un sculpteur si facile d’accès pour un profane en matière de sculpture. L’allure inachevée voire mal dégrossie de certaines de ses œuvres (notamment des nombreux sujets en plâtre choisis pour cette exposition) a quelque chose de déconcertant, pour ne pas dire agaçant. Il faut s’attarder et examiner les sculptures de près pour apercevoir la trace du geste du sculpteur sur les flancs, les poitrines, les mollets, et comprendre l’habileté avec laquelle il a su imiter la courbure d’un pied en pleine marche, reproduire les volumes des muscles des jambes, rendre vivante la posture d’une nymphe ou d’un jeune homme, et en même temps conférer un caractère presque fantastique à certains de ses sujets aux silhouettes grêles, aux membres allongés, ou bien au contraire modeler vigoureusement avec justesse plusieurs variantes d’une sculpture représentant un Balzac plus vivant que nature. Pour comprendre pourquoi il a parfois choisi de réaliser des sculptures « déjà abîmées », privées de bras ou bien rendues inachevées par l’utilisation pour la sculpture d’un bloc de marbre en partie abîmé dont la brisure a été intégrée à l’œuvre, il faut penser à la passion de Rodin pour les statues antiques avec tout ce qu’elles ont souvent de fragmentaire.

Malgré tout, certaines de ses sculptures m’ont laissé assez froid par rapport aux photographies de Mapplethorpe. D’autres, comme une version en bronze de L’Âge d’airain, un jeune homme sculpté en grandeur réelle, sont pleines d’une vie saisissante.

Quant aux photographies de Mapplethorpe, elles prolongent et complètent assez bien l’exposition du Grand Palais. Même si on en retrouve une demi-douzaine identiques (occasion de se rendre compte qu’il ne s’agit pas nécessairement de tirages uniques), la plupart sont différentes. J’ai été particulièrement marqué par ses photographies de parties du corps : bras, jambes, mains et pieds, sexes masculins et féminins, tous dotés d’une autonomie et d’une majesté nouvelles par le choix du cadrage, le sens de la lumière, et toujours cette attention amoureuse portée au grain de la peau, aux pilosités, à l’épaisseur des corps. Là encore, nous sommes invités à changer de regard sur le corps humain.

C’est de cette façon que, ce jour-là, j’ai découvert Mapplethorpe… une très belle découverte.

En sortant de chaque exposition, nous sommes passés par les parfois littéralement incontournables boutiques-souvenirs. Les catalogues de ces deux expositions sont naturellement beaux ; hélas, il faut compter pas moins de 40 euros pour s’en offrir un, un prix trop élevé pour nos bourses étudiantes ou post-étudiantes… sans parler du poids et de l’encombrement que représentent ces belles bêtes sur les étagères d’un frêle appartement parisien. Certaines expositions proposent des versions abrégées du catalogue d’exposition à un prix plus modique ; ce n’était pas le cas de ces deux-là. En revanche, cartes postales, tasses et mugs, cahiers et stylos, gommes et badges, et même des essuie-lunettes dont l’un représentait une photo de téton (le tout d’un goût délicieux, bien sûr), rien ne manquait de la théorie habituelle des produits dérivés. La Fondation Mapplethorpe veille, je suppose. Par bonheur, il y avait aussi nombre de livres de vulgarisation, de biographies, de livres pour la jeunesse et d’ouvrages universitaires à prix variés pour en apprendre davantage sur Mapplethorpe, sur la photographie en général, ou sur la culture gay, décidément devenue très bankable ces derniers temps. Et puis les livres de Mapplethorpe, notamment le Black Book, magnifique, où il avait publié ses photos de modèles noirs. Trop lourd et trop cher, là aussi, hélas.

Pour se consoler, il reste le site de la fondation Robert Mapplethorpe, qui propose un portfolio de ses photographies.

L’exposition « Robert Mapplethorpe » au Grand Palais dure jusqu’au 13 juillet. Vous pouvez aller voir la page de l’exposition sur le site du Grand Palais.

L’exposition « Mapplethorpe Rodin » au Musée Rodin dure, elle, jusqu’au 21 septembre. Là aussi, vous pouvez aller voir la page de l’exposition sur le site du musée.

Pour en savoir plus sur Robert Mapplethorpe, vous pouvez aller voir son article sur Wikipédia. Si vous lisez l’anglais, vous pouvez aller voir, outre le site de la Fondation dont j’ai déjà parlé, l’article « Mapplethorpe, Robert » sur le site de l’Encyclopedia of Gay, Lesbian, Bisexual, Transgender and Queer Culture.

Pas facile d'être bi sur Match.com

(Redémarrage ! Plus eu le temps d’écrire depuis un bon moment, mais aussi bien nous sommes ici sur le Biplan, pas sur une chaîne d’info en continu, et c’est très bien comme ça. Du coup, bonne année 2014 à tou-te-s !)

Hier 7 avril, le site d’actualité LGBTIQ britannique PinkNews a publié un article exclusif concernant la branche britannique du site de rencontres Match.com. Selon un courrier envoyé par ce site à un-e utilisateur/-trice bi  (je ne connais pas son nom ou son identité de genre) qui souhaitait pouvoir chercher à la fois des hommes et des femmes sur le site, la seule solution possible consiste à ouvrir deux comptes payants au lieu d’un.

Un mot sur Match.com : les activités européennes de Match.com sont la propriété de la société Meetic depuis 2009 ; de son côté, Match.com est notamment propriétaire d’Okcupid, autre site de rencontres, depuis 2011.

La journaliste Emily Magdji s’est procurée un courrier envoyé par la société à un utilisateur ou une utilisatrice bi qui voulait pouvoir chercher à la fois des hommes et des femmes sur le site. L’article publié sur PinkNews par Nick Duffy le 7 avril 2014 reproduit le texte de ce courrier, dont voici ma traduction :

Hello,

Merci de nous avoir contactés à Match.com.

Nous comprenons que vous êtes bisexuel-le et souhaiteriez pouvoir chercher des hommes et des femmes. Nous sommes désolés que vous ayez pu vous inscrire pour cela et nous ferons de notre mieux pour vous offrir une assistance.

Malheureusement, il n’est pas possible de modifier à volonté les préférences de genre. Les membres bisexuels auraient besoin d’avoir 2 profils. Malheureusement, cela voudrait dire acheter 2 comptes distincts.

Veuillez noter que cela nécessiterait que vous enregistriez ce nouveau compte à l’aide d’une deuxième adresse de courrier électronique. Veuillez accepter nos excuses car nous comprenons que ce n’est pas une solution idéale.

Nous apprécions tous les commentaires et toutes les suggestions, car comprendre mieux nos membres et leurs recherches nous aider à adapter et à améliorer nos services.

Nous avons transmis votre message concernant les besoins spécifiques des membres bisexuels à notre équipe de développement afin qu’il puisse être pris en compte dans les futures mises à jour du site.

Encore une fois, merci d’avoir pris le temps de nous contacter et de nous faire cette suggestion.

Si vous souhaitez nous parler, notre équipe d’Assistance aux clients est disponible pour vous prêter son aide au 020 305 96 495. Les standards sont ouverts de 9h à 18h, du lundi au samedi. Les appels depuis un poste fixe sont normalement tarifés à 10 pence par minute. Pour les appels depuis un téléphone portable, les coûts sont variables.

Le site PinkNews précise que :

– Les packs d’inscription à Match.com coûtent entre 6,49£ et 29,99£ par mois (soit entre 7,5 euros et 34,70 euros environ), ce qui signifie qu’une personne bi qui souhaiterait mettre en pratique la solution proposée devrait débourser jusqu’à 60£ par mois (69,5 euros environ) pour ce service.

– Ce courrier a été envoyé à la personne concernée au mois d’août 2013. Malgré les promesses de mises à jour qu’il contenait, rien n’a changé sur le site à cet égard à l’heure actuelle.

– Une telle réponse est assez surprenante, dans la mesure où, selon PinkNews, Match.com soutient depuis longtemps les utilisateurs et utilisatrices homosexuel-le-s. Visiblement, pour les bi, c’est plus compliqué.

PinkNews a contacté Match.com, qui a répondu par un communiqué publié sur PinkNews le 8 dans l’après-midi. Là encore, je traduis ci-dessous le texte figurant dans l’article :

Tout comme sur un certain nombre de sites de rencontres en Grande-Bretagne, il n’est pas possible de paramétrer un profil pour évaluer à la fois des profils d’hommes et de femmes. Nous pouvons confirmer que nous mettrons à la disposition de vos lecteurs et lectrices deux profils afin qu’ils puissent évaluer à la fois des profils d’hommes et de femmes sur le site. Le second profil sera fourni sans frais supplémentaires pour le membre.

De plus, nous rendrons plus aisée aux utilisateurs bi la navigation sur le site. Tout ce qu’ils ont à faire est de contacter directement l’équipe de notre service clients pour se voir fournir deux profils dans le cadre de leur inscription existante.

Notre équipe d’Assistance aux clients est disponible pour vous prêter son aide au 020 305 96 495. Les standards sont ouverts de 9h à 18h, du lundi au samedi.

Un geste commercial appréciable, mais qui n’est encore qu’une rustine.

Et vous, avez-vous déjà observé des « limitations techniques » de ce genre sur les sites de rencontres ? Qu’en est-il du site Match.com en France et des sites de rencontres français ? (Il me semble qu’à une époque, sur Okcupid, on pouvait s’identifier comme bi, mais pas chercher en même temps des hommes et des femmes. En revanche, il était possible de chercher les uns ou les autres sans changer de compte. Mais je ne sais plus comment c’est maintenant.)

Quelques actualités bi

Cela fait un moment que je n’ai pas relayé quelques actualités des communautés bi dans le monde, en particulier les communautés américaine ou britannique (dans ma catégorie « English trucs »), alors voici quelques infos rapides, puisque je ne les croise pas dans les médias LGBT français :

La pudibonderie d’Apple, énième épisode

Il y a un peu plus d’un mois, fin juillet 2013, les membres d’un projet pédagogique portant sur l’histoire des LGBT ont lancé sur la plate-forme d’applications d’Apple une application pédagogique pour smartphones appelée Quist. Le 12 août, l’une des développeuses de l’application, Sarah Prager, était occupée à mettre à jour le descriptif de l’application sur la plate-forme iTunes Connect lorsqu’elle a vu s’afficher un message d’avertissement indiquant que le mot « bisexuality » n’était pas recommandé dans une description d’application pédagogique, et que l’application était susceptible d’être refusée par Apple si le mot y était inclus. Autrement dit, « bisexuality » faisait partie de la liste des mots considérés comme vulgaires au même titre que des insultes ou du spam, par exemple. Une liste qui ne correspondait pas vraiment aux déclarations fréquentes d’Apple prompt à se présenter comme une firme LGBT-alliée. Indignés, les concepteurs de Quist ont donc lancé une pétition sur Change.org pour réclamer le retrait du mot « bisexuality » de la liste des termes prohibés sur l’Apple Store. La nouvelle a été relayée sur les sites LGBT anglophones, dont BiMedia. Après plus de 1100 signatures en moins de vingt-quatre heures, Apple a rétropédalé et résolu le problème (article sur BiMedia).

Voyez aussi les articles à ce sujet sur le site LGBT britannique Pink News et sur Queerty.

Le « problème bi » de Google toujours pas résolu aux Etats-Unis

Souvenez-vous : c’était il y a un an, en août 2012, et j’en parlais ici. Faith Cheltenham, présidente de l’association bi américaine BiNetUSA, publiait dans le Huffington Post américain une tribune dénonçant le fait que les fonctionnalités d’auto-complétion et de recherche instantanée, habituellement actives pour n’importe quel terme qu’on entre dans le moteur de recherche Google, ne fonctionnaient pas avec certains mots à thème LGBT, dont « bisexual » et « bisexuality ». Google avait botté en touche en déclarant qu’il s’agissait d’un simple bug dû aux mécanismes de précaution inclus dans le moteur pour éviter les termes souvent associés à des contenus pornographiques. Un argument moyennement convaincant puisque Google a visiblement su résoudre des « problèmes techniques » autrement plus compliqués. Et indéfendable, puisque ces mots ne sont pas des insultes ou des mots vulgaires en eux-mêmes et n’ont donc pas à être systématiquement bloqués. Google avait en tout cas promis de résoudre le problème. Un premier pas avait été fait en septembre 2012, mais seulement pour les internautes américains (article sur le site bi britannique Bimedia.org). Les internautes britanniques rencontraient toujours le même problème.

Un an plus tard, il s’avère que rien n’a changé. Les membres du projet d’histoire LGBT Quist dénoncent le laxisme et la discrimination persistants de Google dans une nouvelle pétition lancée sur Change.org. La nouvelle a été relayée notamment par Bimedia. Le moins qu’on puisse dire est que quelques signatures en plus ne feront pas de mal, alors n’hésitez pas à aller y jeter un œil !

Bientôt le 23 septembre : la journée de la bisexualité partout dans le monde

DrapeauJourneeBiPetitComme chaque année, la fin du mois de septembre sera marqué par la Journée de la bisexualité (en anglais : Bi Visibility Day, « Journée de la visibilité bi ») qui aura lieu le 23 septembre et sera marqué par divers événements organisés partout dans le monde par les communautés bi. Un site web international en anglais est déjà actif. Pour les accros des réseaux sociaux, il y a aussi une page Facebook et un compte Twitter.Le site se donne pour but, comme chaque année, de lister tous les événements prévus dans le monde à cette occasion. La militante bi britannique Jen Yockney a élaboré et posté sur son blog quelques bannières en anglais pour les pages web (ce serait bien qu’on en fasse encore d’autres en français, d’ailleurs).

Aux États-Unis, c’est l’administration Obama qui se fera remarquer par un acte particulièrement bi-friendly, puisque la Maison blanche a prévu de recevoir des représentants de plusieurs associations bisexuelles nationales ou régionales à l’occasion du 23 septembre. Les discussions porteront notamment sur « les problèmes de santé, le HIV et le sida, la violence au sein des couples, la santé mentale et le harcèlement. » (Sources : Amy Andre sur le Huffington Post anglophone et Aamer Madhani sur USA Today.)

MàJ le 01/09/2013 : En France, l’association parisienne Bi’cause organisera une Bi’causerie (réunion-débat) à l’occasion de la journée. Elle aura lieu le soir à 20h au Centre LGBT Paris-Île-de-France, au 61-63 rue Beaubourg, dans le 3e arrondissement (voyez le site du Centre pour les informations pratiques). La réunion devrait durer jusqu’à 22h environ (mais on part quand on veut). Si vous arrivez après 20h, sonnez pour qu’on vous ouvre !

Visi(bi)lity : un blog anglophone sur les représentations des bi dans les séries et les films

Je vois passer pas mal de choses dans mes flux RSS et abonnements divers. Dans un monde idéal, j’aurais le temps de consacrer un article détaillé, des résumés, analyses etc.  à chacun des sites ou articles intéressants sur lesquels je tombe, mais visiblement ça n’est pas pour tout de suite. Alors je vais continuer à poster de temps en temps simplement des liens, avec un petit mot de présentation et quelques indications pour vous aider dans vos lectures. Je l’ai déjà fait plusieurs fois pour des sites en anglais (voyez ci à droite la catégorie « English trucs »). Aujourd’hui, je vous présente donc Visi(bi)lity, un blog consacré aux représentations des bi dans les médias audiovisuels et la fiction (principalement les séries TV et les films).

Visi(bi)lity est une série d’articles publiés récemment sur le site BitchMedia. BitchMedia est un webzine américain, qui sert de pendant web au magazine Bitch: Feminist Response to Pop Culture, qui paraît depuis 1996 (vous pouvez trouver plus d’informations sur eux sur le FAQ de leur site). BitchMedia a eu récemment la bonne idée de publier une série d’articles sur les bi via un blog intitulé « Visi(bi)lity », consacré aux représentations (ou non représentations) des bi dans les médias et les fictions. Ce blog est tenu par Carrie Nelson, une étudiante en media studies et militante queer (son profil sur le site est là).

Le blog a démarré début mars 2012 par un article intitulé : « Visi(bi)lity: Deconstructing Images of Bisexuality in the Media ». Il commence à y avoir pas mal d’articles, mais on peut accéder à tous facilement en passant par la catégorie « bisexual visibility ». Les articles ne sont pas nécessairement très longs, mais ils contiennent toujours une bonne dose de réflexion sur les stéréotypes et les représentations associés aux bi. L’auteure, cinéphile et passionnée de séries, s’intéresse surtout aux médias audiovisuels, mais évoque aussi un ou deux livres de temps en temps. Le niveau d’ensemble est impressionnant, et les billets sont publiés avec une régularité encore plus impressionnante. En termes de niveau de langue, ça n’est pas particulièrement ardu à lire (en dehors des notions de base LGBT en anglais, il n’y a pas vraiment de vocabulaire technique ou de tournures familières à tous les coins de phrase).

Je vous présente ci-dessous une sorte d’index des billets qu’elle a publiés jusqu’à présent, pour vous permettre de naviguer plus facilement vers les sujets qui vous intéresseront :

6 mars 2012 : Visi(bi)lity: Deconstructing Images of Bisexuality in the Media. Principe du blog et réflexion générale sur l’invisibilisation des bi et les stéréotypes qui leur sont attachés quand on les représente.

7 mars 2012 : Visi(bi)lity: Bi the Way and the Realities of Bisexuality. Sur le documentaire américain Bi the Way consacré aux bi : pas mal, mais maladroit et insuffisant selon Carrie Nelson.

8 mars 2012 : Visi(bi)lity: Cynthia Nixon and the Politics of Labels. Sur les propos de l’actrice américaine Cynthia Nixon à propos de sa bisexualité ou non.

13 mars 2012 : Visi(bi)lity : Biphobia Bingo ! A Look at Basic Instinct. Sur les représentations associées à la bisexualité dans le film Basic Instinct, dont la Grande Méchante est présentée comme bi.

14 mars 2012 : Visi(bi)lity: In Praise of Callie Torres. Sur un bon personnage de bi à la télé américaine : Callie Torres dans la série Grey’s Anatomy.

15 mars 2012 : Visi(bi)lity: America’s Next Top Bi Icon: Introducing Laura LaFrate. Sur Laura LaFrate, personnalité de l’émission de télé réalité américaine America’s Next Top Model, qui s’identifie comme bi.

20 mars 2012 : Visi(bi)lity: Glee‘s Problem With Bisexual Men. Sur la représentation de la bisexualité masculine dans la série américaine Glee.

21 mars 2012 : Visi(bi)lity: Isn’t It Bromantic ? Sur la représentation hétérocentriste des amitiés masculines à partir d’une critique du film Humpday, exemple d’histoire basée sur une « bromance » *.

22 mars 2012 : Visi(bi)lity: « A 51st Century Guy »: A Few Words on Jack Harkness À propos de Jack Harkness, personnage récurrent de deux séries de SF britanniques : Doctor Who, pilier de la BBC destiné à un public familial, et (surtout) Torchwood, la seconde étant un spin-off plus hardcore destiné davantage à un public ado-adulte.

27 mars 2012 : Visi(bi)lity: Bisexuality as Rebellion: Sexualizing Women’s Friendship. Sur la représentation de relations sexuelles entre femmes dans la fiction comme moyen d’exprimer la rébellion des personnages contre l’ordre établi.

28 mars 2012 : Visi(bi)lity: A Tale of Two Alexes: Bi Coming-of-Age Narratives. Sur les histoires de personnages féminins bi dans les séries The O.C. et Degrassi: The Next Generation.

29 mars 2012 : Visi(bi)lity: Post-Bi ? What Skins Can Teach Us About Labels. Réflexion sur le besoin (ou non) de catégories et d’étiquettes (gay, hétéro, bi, etc.) à partir de la représentation de la sexualité dans la série britannique Skins.

3 avril 2012 : Visi(bi)lity: Performing Bisexuality. À propos des chansons pop du type « I Kissed A Girl » de Kate Perry etc. qui représentent les stars comme bi… très physiquement pratiquantes.

5 avril 2012 : Visi(bi)lity: Insivi(bi)lity in the Culture Wars. Sur des propos du pasteur Ted Haggard – généralement opposé aux droits des homos – au sujet des bi.

6 avril 2012 : Vis(bi)lity : How the Savage U Premiere Barely Exceeded My Extremely Low Expectations. Sur le traitement de la bisexualité dans une émission de Dan Savage (un journaliste américain gay qui parle souvent de sujets en lien avec les sexualités).

10 avril 2012 : Visi(bi)lity : John Irving Tackles Biphobia in New Novel. Comme le dit le titre : un nouveau roman de John Irving dans lequel il aborde la bisexualité et la biphobie avec un degré de nuance bienvenu.

11 avril 2012 : Visi(bi)lity : Queer as Folk Broke My Heart. Sur le personnage de Lindsay Peterson dans la série américaine Queer as Folk et les stéréotypes négatifs associés à la bisexualité dans cette série.

13 avril 2012 : Visi(bi)lity : The L World‘s Messy Exploration of Straight Privilege. Sur la représentation de la bisexualité dans la série The L World.

17 avril 2012 : Visi(bi)lity : Finding Realism in Rose By Any Other Name. Sur la websérie Rose By Any Other Name, dont le personnage principal est une femme qui s’identifie comme lesbienne avant de se découvrir bi lorsqu’elle tombe amoureuse d’un homme.

18 avril 2012 : Visi(bi)lity: How Bideology Battles Biphobia. Sur la série de documentaire Bideology qui s’intéresse aux relations entre bi et entre femmes hétéro et hommes bi.

19 avril 2012 : Visi(bi)lity: Is Social Media the Final Visi(bi)lity Frontier ? Sur le rôle positif que peuvent jouer les réseaux et médias sociaux du type Tumblr en faveur de la visibilité des bi et du combat contre la biphobie.

24 avril 2012 : Visi(bi)lity : Toward a Visible Movement. Constat alarmant sur le fait que les organisations bi manquent de financements, et appel à les aider. J’ajoute que ça vaut aussi pour la France !

Le blog est toujours actif : il n’a pas de page propre, mais vous pouvez le suivre par flux RSS en vous abonnant au flux général des articles de BitchMedia, ou en retournant voir le site ou la catégorie « bisexual visibility » régulièrement.

Voilà, j’espère que ce petit guide de lecture vous sera utile !

* Bromance : mot anglais moche formé à partir de « romance » et « brothers » et désignant une relation de grande proximité entre deux amis (hommes) intimes, mais sans rien de sexuel.

Le "Bisexuality Report", un pas en avant pour les bi

Je relaie ici une actualité importante lue sur le site britannique BiMedia : la publication toute récente par l’Open University, le 15 février, d’un document intitulé « The Bisexuality Report », librement téléchargeable en pdf (et en anglais) sur le Bisexual Index.

C’est une étude de fond sur la bisexualité et les bisexuels au Royaume-Uni, qui se concentre sur les questionnements et problèmes spécifiques aux personnes bisexuelles, que ce soit du point de vue de leur quotidien, de leur place dans la communauté LGBT ou de leurs représentations dans les médias et les fictions. Adressée à la fois aux médias nationaux et internationaux, aux organismes de recherche et aux organisations LGBT, elle a pour but principal d’œuvrer à une meilleure prise en compte des personnes bisexuelles dans la société.

L’étude a été réalisée conjointement par trois organisations bisexuelles britanniques d’échelle nationale (excusez du peu) : biUK, qui se consacre spécifiquement à la recherche universitaire sur les bi ; le Bisexual Index, un réseau bisexuel militant pour la visiBIlité ; et le magazine bi Bisexual Community News. Quant à l’Open University, c’est une université publique britannique généraliste qui se singularise par le fait qu’elle prodigue uniquement un enseignement à distance (plus d’informations sur son site – en anglais – ou son article Wikipédia en français).

Le rapport, comptant une grosse quarantaine de pages, est très abordable : un peu comme dans les rapports annuels de SOS homophobie, la mise en page est aérée et claire, en couleurs, avec souvent des encadrés et des listes à puces ; les nombreuses références sont regroupées dans des notes de fin. On sent la volonté de faire quelque chose d’accessible et de plaisant à lire (ça compte !).

Je suis très loin d’avoir tout lu (ce serait difficile en ayant découvert le document il y a une demi-heure) mais je ne résiste pas à l’envie de vous donner un premier aperçu détaillé du rapport. C’est parti :

Après la page de sommaire, on commence par une courte introduction (3 pages) qui présente le contenu du rapport et les principaux points qu’il cherche à mettre en avant.

Vient ensuite, à la page 6, une excellente idée : une courte liste de « recommandations-clés » aux lecteurs visés pour améliorer la prise en compte des personnes bisexuelles. Ces conseils, courts et directs, pourraient être envoyées par mail tels quels à toutes les organisations et médias LGBT. Les deux pages suivantes contiennent d’autres conseils plus détaillés adressés spécifiquement aux différents publics du rapport : les organisations LGBT, la justice, le milieu éducatif, les entreprises, le milieu du sport, les médias, les métiers de la santé.

On entre alors dans le corps du rapport, qui se divise en six chapitres :

Les définitions de la bisexualité. Plusieurs terminologies sont comparées. La distinction est faite entre les sentiments bisexuels, le comportement bisexuel et enfin l’identité bi (les gens qui se déclarent bisexuels) : tous ne se recouvrent pas, chaque ensemble inclut les suivants. Sont aussi évoqués les « alliés bisexuels », autrement dits les proches, parents, amis et bi-friendly en général. Enfin, un paragraphe tente d’évaluer le nombre de personnes bisexuelles (au Royaume-Uni uniquement).

Les spécificités des personnes bisexuelles. Le chapitre aborde d’abord le phénomène d’invisibilisation (le mot est désagréable, tant mieux, la chose aussi !) des bi et leur exclusion. Il évoque ensuite les représentations des bi dans les médias. Il parle ensuite des problèmes propres au coming out bi. Il se termine par une courte évocation des communautés bisexuelles, centrée sur la communauté bi britannique.

La biphobie. Après une évocation générale de l’homophobie, de l’hétérosexisme et de l’hétéronormalité, phénomènes auxquels les bi sont aussi confrontés, le chapitre définit ce qu’est la biphobie (une hostilité envers les personnes spécifiquement attirées par plus d’un genre, sensible dans les attitudes, les comportements, voire dans des organisations) et les principales formes qu’elle prend (déni de l’existence de la bisexualité, invisibilisation de la bisexualité, exclusion, marginalisation et stéréotypes négatifs). Le chapitre décrit ensuite le phénomène de double discrimination auquel les bi peuvent être confrontés (à la fois de la part de personnes hétérosexuelles et de personnes homosexuelles). Une partie sur les crimes et les violences aborde la question de la loi et les discriminations biphobes auxquelles les bi victimes de violence peuvent être confrontés (même dans les refuges). Le chapitre se termine par des évocations détaillées des formes que prend la biphobie à l’école, au travail, et dans les milieux sportifs.

Bisexualité et santé. Ce chapitre court donne des statistiques alarmantes et des informations sur la santé physique, mentale et sexuelle des personnes bi. Les statistiques alarmantes concernent les taux de dépression et de suicide chez les personnes bisexuelles (tous genres confondus), qui dépassent de loin les moyennes constatées pour les personnes hétérosexuelles, mais aussi celles constatées chez les gays et les lesbiennes : il y a donc un mal-être propre aux personnes bisexuelles, qui avait été ignoré jusque là puisque les bi étaient systématiquement regroupés avec les gays/lesbiennes dans les études précédentes.

Intersections avec la bisexualité. Le titre de ce chapitre peut paraître un peu obscur. Il se réfère au concept d’intersectionnalité, employé en sociologie et en plein développement dans les milieux universitaires anglo-saxons, mais encore trop peu connu en France. Le principe est très simple : la recherche a commencé par s’intéresser à l’homosexualité et à l’homophobie d’un côté, aux ségrégations raciales et au racisme d’un autre côté, et à l’étude des différentes catégories et milieux sociaux d’un troisième côté. Mais en réalité, les trois statuts ne sont pas du tout étanches : on peut très bien être un Noir homosexuel pauvre, ou une transsexuelle FtM (femme-vers-homme) d’un milieu aisé. On a donc commencé à réaliser des études croisées sur les intersections entre ces différents statuts et phénomènes, ce qui permet, d’une part, de prendre en compte la grande complexité des situations (il ne suffit pas d’additionner différentes discriminations pour comprendre ce qui se passe vraiment : ce serait trop simple), et, d’autre part, de mettre en avant des mécanismes sociaux communs aux différentes discriminations, aux différents phénomènes communautaires, etc. (La parenthèse est un peu longue, mais ces études croisées sont passionnantes et encore trop peu connues sous nos latitudes.)

Ce chapitre du rapport décrit donc la bisexualité et la biphobie tels que les vivent différents groupes sociaux abordés selon différents critères : la « race » et la culture ; le genre ; les styles de relations ; les pratiques sexuelles ; l’âge ; la validité ou le handicap ; la religion ; le niveau d’éducation, l’emploi et la classe sociale ; et enfin la situation géographique. Chaque sous-partie est assez courte, mais l’ensemble arrive à balayer un nombre impressionnant de sujets et à prendre en compte un grand nombre de facettes de la société.

Les expériences bisexuelles positives. Le dernier chapitre explique… ce qui va bien ! Autrement dit, la façon dont leur expérience de la bisexualité a permis aux bi de s’épanouir. Le chapitre a pour but avoué d’éviter de présenter les personnes bisexuelles comme des « cas », des gens à problème ou frappés d’une pathologie. L’écueil inverse serait de penser que la bisexualité rend forcément les gens meilleurs (je doute que ce soit le cas), mais le chapitre n’y tombe pas non plus. Bon, c’est court, deux pages, mais c’est une touche finale plus rassurante après la masse de questionnements et de problèmes soulevées par les chapitres précédents.

Le rapport se termine par une bibliographie succinte (2 pages) donnant les références des principaux rapports sur la bisexualité, puis les principaux ouvrages sur la question, et enfin les ressources en ligne. Gros défaut de cette bibliographie à mon sens : elle est très anglo-saxonno-centrée, intégralement anglophone et composée uniquement d’ouvrages ou de sites soit britanniques, soit américains. C’est probablement volontaire par rapport aux publics visés, mais un mot sur le reste du monde n’aurait tué personne, je pense.

On a ensuite un glossaire très complet de quatre pages, puis une page avec un paragraphe sur l’organisation biUK, et enfin les notes de fin. Le quatrième de couverture arbore les logos de pas mal d’associations bi ou de partenaires.

Ce Bisexuality Report montre un effort de synthèse et une volonté militante remarquables. Le résultat est un document pas trop long mais extrêmement riche, bourré de statistiques et d’informations sur la communauté bi, et assez rempli de conseils et de références de bouquins et de sites Web pour se hisser au rang de véritable petit manuel du militant bi. Il témoigne à la fois d’une ouverture louable de la part de l’université aux recherches sur la bisexualité et de la grande vitalité de la communauté bi outre-Manche. Problème pour nous : même si pas mal de constats généraux et de conseils s’appliqueraient sans grande différence en France, le document reste centré, comme on peut s’y attendre, sur la population du Royaume-Uni. On apprend plein de choses, mais ça n’est pas spécifiquement sur nous.

Du coup, je ne peux que rêver de lire un jour une synthèse aussi complète sur les bi français, et de voir les associations et groupes bi français publier des outils de défense et de militantisme bi aussi bien conçus et accessibles aux non anglophones. Il ne s’agit pas d’imiter servilement ce que font nos voisins, mais il y a tout de même de quoi en prendre de la graine !

En attendant, je ne peux que vous recommander la lecture de ce rapport, qui est une petite mine et qui attire l’attention sur toutes sortes de phénomènes de discriminations également à l’œuvre en France. Et j’espère que les médias LGBT daigneront en dire un mot, car il me semble qu’une telle synthèse et un tel instrument de prévention de la biphobie est une première pour toutes les communautés bi.

(Et la suite de « Dans la peau d’un bi » va finir par arriver, promis ! Mais je n’ai pas eu une minute à consacrer à ce blog jusqu’à aujourd’hui, et l’actualité me paraissait prioritaire.)

Mise à jour le 20 : Yagg parle du rapport dans un article aujourd’hui : « Royaume-Uni : le Bisexuality Report fait le point sur la situation des bisexuel-le-s britanniques », de Maëlle Le Corre. L’article remet ce rapport dans son contexte (en particulier en parlant du rapport américain dont il s’est inspiré et que je ne connaissais pas) et indique ses futures suites possibles (allons-nous enfin vers un rapport européen sur les bi ? Ce serait une excellente nouvelle !).

"Being Bi in a Gay World" : un article de journal (et une BD en ligne)

Un minuscule billet si vous lisez l’anglais : je relaie ici un article de l’écrivaine américaine Maria Burnham, « Being Bi in a Gay World », publié sur son blog sur le site du journal en ligne The Huffington Post. Maria Burnham, bisexuelle, évoque sa propre expérience de la biphobie dans des soirées lesbiennes. C’est le cas classique : Maria est draguée par une lesbienne qui lui demande si elle est homo, elle répond qu’elle est bi, et là… Le contexte est américain, bien sûr, mais les phénomènes de rejet sont similaires partout.

Comme vous le verrez sans doute si vous cliquez sur les liens dont elle parsème l’article, Maria Burnham est aussi l’auteure d’une BD en ligne, Jesus Loves Lesbians, Too (oui, elle est aussi chrétienne), dessinée par Maggie Siegel-Berele. La BD fonctionne par séquences indépendantes de deux ou trois pages chacune. Burnham parle de sa bisexualité dans la planche « A Brief History of Me ». EDIT : Et aussi dans « Dating Roulette », où l’on voit un panel de réactions au « I’m bi ».

Je suis tombé sur cette actualité via le Bisexual Resource Center, une association bi créée à Boston en 1985 et qui, comme son nom l’indique, met à disposition une mine de ressources, livres, brochures, vidéos, liens, etc. sur la bisexualité (dernier exemple en date : une brochure en PDF  présentant des livres sur la bisexualité, très orientée grand public – il y a aussi énormément d’écrits universitaires sur le sujet aux Etats-Unis).

Bien entendu tout ça est américano-centré et surtout en anglais, ce qui n’est pas très pratique quand on maîtrise mal cette langue, mais ça me paraissait valoir la peine d’être relayé ici. A bientôt pour un autre billet plus substantiel !

Aux Etats-Unis, les femmes bi sont plus exposées à la dépression que les hommes bi

Une étude dirigée par une chercheuse de la George Mason University, aux États-Unis, et publiée fin octobre 2011, a apporté des données supplémentaires sur les risques de dépression et d’alcoolisme dans la population bisexuelle américaine. Cette étude aboutit à deux conclusions principales : d’une part, les adolescents bisexuels des deux sexes sont plus exposés que la moyenne à la dépression, au stress ou à l’alcoolisme ; d’autre part, on constate au fil du temps une baisse de ces risques chez les hommes bi, mais pas chez les femmes bi.

L’étude a été menée par Lisa Lindley, chercheuse à la George Mason University, en Virginie, et par Katrina M. Walsemann et Jarvis W. Carter Jr. de l’université de Caroline du Sud ; elle a été publiée le 24 octobre dans l’American Journal of Public Health. L’équipe a mené une étude à l’échelle nationale sur un échantillon de population représentatif comprenant 14 412 personnes (7 696 femmes et 6 716 hommes). L’étude a été menée sur le long terme, en deux temps : elle a été menée une première fois en 1994-95, puis une seconde phase a été menée en 2007-2008 (les personnes interrogées avaient alors entre 24 et 32 ans). Les personnes interrogées, en majorité blanches (68% et des poussières) et en bonne partie mariées (près de 44%), avaient un âge moyen de 28,8 ans. Environ 43% d’entre elles avaient suivi des études à l’université ou bénéficié d’une formation professionnelle.

Ces personnes ont été interrogées sur leur identité sexuelle (s’identifiaient-elles comme hétérosexuelles, homosexuelles, bisexuelles, « plutôt homos », « plutôt hétéros », ou sans revendication particulière ?) ; des questions distinctes ont porté sur leurs pratiques sexuelles (quel(s) étai(en)t le(s) genre(s) de leurs partenaires sexuels) et sur leurs attirances (par quel(s) genre(s) elles étaient attirées sexuellement). Le nombre de partenaires sexuels n’a pas été évalué. D’autres séries de questions ont porté sur les problèmes de santé de ces personnes, sur leur moral et leurs problèmes de dépression au moment de l’enquête, et ont mesuré plusieurs facteurs de risque comme le tabagisme et l’alcoolisme ; d’autres encore ont évalué les violences dont les personnes interrogées avaient été victimes (violences, agressions avec armes, etc.). L’usage de drogues dures n’a pas été évalué. Ces différentes séries de questions ont ensuite été analysées et rapprochées les unes des autres.

Les conclusions de l’étude montrent que les adolescents bisexuels de tout sexe sont fortement exposés à la dépression, au stress et à l’alcoolisme. Les risques diminuent avec l’âge chez les hommes bi. Chez les femmes bi, en revanche, ils restent tout aussi élevés avec l’âge. L’étude a également permis d’observer que les femmes qui s’identifient comme strictement hétérosexuelles ou strictement homosexuelles sont moins exposées que les femmes bisexuelles à différents facteurs de risque comme la dépression, l’alcoolisme ou le tabagisme, et qu’elles semblent moins en butte à des violences que les femmes bisexuelles.

Cette étude en appelle d’autres, car peu de recherches ont été menées jusqu’à présent sur les différentes identités sexuelles et sur les risques auxquels sont exposées chacune des communautés de la nébuleuse LGBT.

La directrice de l’étude, Lisa Lindley, reste prudente lorsqu’il s’agit d’expliquer ces risques particulièrement élevés auxquels sont exposées les femmes bisexuelles, et se contente de formuler quelques hypothèses. Elle suppose que cela peut être lié en partie aux discordances observées entre l’identité sexuelle, les attirances et les comportements de ces femmes : « Elles disent : je m’identifie comme ceci, mais je me comporte d’une autre façon et j’ai des attirances encore différentes » (« They’re saying, ‘I identify one way, but I behave in a different way and am attracted in another way »). De ce fait, ces femmes sont plus susceptibles de se sentir isolées et de ne pas bénéficier d’une écoute qui leur permettrait d’exprimer ce qu’elles vivent et ressentent.

Les hommes bi, de leur côté, ne se disent pas déprimés ou stressés au même point que les femmes bi ; ils fument moins et boivent moins. Lisa Lindley suppose que cela pourrait être dû à une plus forte appartenance des hommes à une communauté (en l’occurrence la communauté gay).

« Les femmes sont plus susceptibles d’avoir des identités sexuelles qui fluctuent avec le temps, tandis que chez les hommes, cela tend à être soit « je suis hétéro » soit « je suis gay. » (“Women are more likely to have sexual identities that fluctuate over time,” Lindley says. “Whereas with men, it tends to be either ‘I’m straight’ or ‘I’m gay.’”)

« Mais « Je ne sais pas » est la réponse la plus honnête », nuance Lindley. « Peut-être est-ce parce que les hommes, s’ils sont gays ou hétéros, ont une plus forte connexion avec leur communauté. Les femmes bisexuelles n’ont peut-être pas le sentiment qu’il existe une communauté pour elles. » (“I don’t know is the honest answer,” Lindley says. “Perhaps it’s because men, if gay or straight, have a stronger connection to their community. Bisexual women may not feel as if there is a community for them.”)

Lisa Lindley compte mener une autre étude portant spécifiquement sur les comportements des femmes bisexuelles, afin d’en apprendre davantage sur cette différence entre les sexes au sein de la population bi américaine.

Source principale : « Bisexual Women Suffer More from Health Risk Factors Than Males, Study Finds », article de Michele McDonald le 28 octobre 2011 sur le site « University News » de la George Mason University.

Deux articles de presse évoquant cette étude :
* « Bisexual women “more like likely to suffer depression than men” », article de Stephen Gray sur PinkNews le 9 novembre 2011.
* « Bisexual women depressed, binge-drink », article d’Ani dans The Times of India le 7 décembre 2011.