Rapport sur l'homophobie 2012 : les bi et la biphobie quasi invisibles

À l’occasion de la publication du rapport annuel 2012 de l’association SOS Homophobie, j’ai lu le rapport avec mon regard de jeune homme bisexuel… et avec mon regard militant : alors, comment y parlerait-on des bi et de la biphobie ? Le résultat est, malheureusement, accablant : il n’y a pas pratiquement rien sur nous, et, croyez-moi, ce n’est certainement pas parce que tout irait bien pour les bi en 2012.

Couverture du Rapport annuel 2012 sur l'homophobie de l'association SOS Homophobie.

Bi et biphobie dans le rapport 2012 : beaucoup de mots, presque aucune information

Dans le rapport 2012, les personnes bisexuelles et la biphobie sont principalement présents dans des énumérations. La définition de la biphobie, en page 11 (numérotation du rapport, pas du pdf), est regroupée dans une même phrase avec celle de la transphobie : « Les termes de biphobie, désignant les discriminations et les manifestations de rejet à l’encontre des bisexuel-le-s, et de transphobie, à l’encontre des trans, sont souvent associés à celui d’homophobie. » Il est vrai que le rapport se destine à un public large et que ces deux termes sont encore peu connus : mettons. Au paragraphe d’après, les bi figurent dans l’explication du sigle « LGBT ». Mais dans la suite du rapport, la plupart des autres occurrences du nom ou de l’adjectif « bisexuel-le-s » se trouvent aussi dans des énumérations : « aux dépens des gays, lesbiennes et bisexuels » (toujours en page 11) ; « violences observée cette année à l’égard des lesbiennes, gays, bisexuel-le-s et trans (LGBT) » (page 29) ; « les droits des homosexuels, des bisexuels et des trans » (page 135) ; l’homosexualité, la bisexualité ou la transidentité » (même page). La même chose vaut pour le mot « biphobie » : « les actes de lesbophobie, gayphobie, biphobie » (page 7) ; « l’homophobie (gayphobie, lesbophobie, biphobie) et la transphobie sur Internet » (page 57) ; les « personnes victimes de lesbophobie, gayphobie, biphobie ou transphobie » (page 99) ; « les discriminations racistes et LGBTphobes (lesbophobe, gayphobe, biphobe et transphobe) » (page 118) ; « les victimes de lesbophobie, gayphobie, biphobie et transphobie » (page 153) ; « toutes les formes de discrimination liées à l’orientation sexuelle (lesbophobie, gayphobie, biphobie) » (page 167).

Le constat est clair : on ne veut pas oublier les bi dans les énumérations. C’est un symbole fort de la prise en compte de toutes les minorités et de toutes les formes de discrimination (1). Ça, c’est bien.

Bon… maintenant, qu’en est-il en dehors des énumérations ?

En dehors des énumérations, eh bien… il n’y a quasiment rien.

Un coup d’œil au sommaire (en page 5) montre que si des sections à part entière sont consacrées à la lesbophobie et à la transphobie, ce n’est pas le cas de la biphobie. Or il me semble qu’une section « Biphobie » serait un ajout utile, tant par la matière, qui ne manque pas, que par le nombre de personnes concernées à qui cela permettrait de retrouver aisément les chiffres et témoignages qui les concernent directement.

Mais ne nous arrêtons pas à des problèmes de division de chapitres (qui paraîtront toujours futiles et mesquins aux yeux d’une partie des gens) et tenons-nous-en au fond.

Lorsque les bisexuel-le-s apparaissent dans les statistiques du rapport 2012, c’est la plupart du temps regroupés avec les homosexuel-le-s. Aux pages 28-29, les bisexuelles sont regroupées avec les lesbiennes dans la présentation des statistiques sur les personnes ayant contacté l’association. À la page 154, la présentation des chiffres de l’enquête menée par SOS Homophobie et le Caélif sur les représentations de l’homosexualité dans le milieu étudiant ne donne pas de statistiques distinctes pour les homosexuel-le-s et les bisexuel-le-s, à nouveau mis dans le même sac.

Ces regroupements sont peut-être plus faciles à court terme quand il s ‘agit de concevoir des enquêtes, mais ils ont des résultats catastrophiques à moyen et long terme : ils aboutissent tout simplement à prolonger l’absence totale de données sur la population bi en France. On ne voit pas les bi, on ne les connaît pas… et je ne vois pas comment on pourrait les défendre si on ne les connaît même pas. C’est là une grosse lacune, non pas du rapport, mais des enquêtes sur lesquelles il est bien obligé de se fonder, notamment l’enquête SOS Homophobie/Caélif sur le milieu étudiant. Il faut systématiquement prendre en compte à part entière les personnes bisexuelles dans les enquêtes et les sondages pour les années à venir !

Aux pages 111-112, les hommes bisexuels figurent à côté des hommes homosexuels parmi les personnes exclues du don du sang : là c’est normal puisque les hommes bi et homo sont victimes d’une même discrimination – un combat loin d’être terminé pour les LGBT.

En page 74, les bisexuel-le-s ont cette fois droit à leurs propres chiffres, dans l’enquête de l’Institut de veille sanitaire sur le suicide chez les minorités sexuelles : «La prévalence de tentatives de suicide au cours de la vie a été estimée à 10,8 % pour les femmes homosexuelles et à 10,2 % pour les femmes bisexuelles, contre 4,9 % pour les hétérosexuelles. Dans le cas des hommes, les estimations étaient de 12,5 % pour les homosexuels et 10,1 % pour les bisexuels, contre 2,8 % pour les hétérosexuels. » Enfin un chiffre ! Nous pouvons remercier François Beck et Marie-Ange Schiltz, qui ont conçu l’enquête, pour leur méticulosité.

C’est là le seul chiffre sur les bi relaté par ce rapport 2012. Ce n’est pas rien, mais c’est terriblement maigre.

Quels chiffres aurait-on pu attendre, et lesquels faudrait-il trouver dans un prochain rapport ? Il y a énormément d’autres façons possibles de connaître la population bi, ses problèmes et les discriminations dont elle est victime, comme le Bisexual Report au Royaume-Uni en a donné l’exemple il y a trois mois. Encore faut-il effectuer le travail de fond nécessaire sur le calibrage des enquêtes, des sondages et des statistiques. Bien sûr, SOS Homophobie n’a pas les moyens de mener toutes ces enquêtes. Mais il y a aussi des choses tout à fait à la portée de l’association. Pourquoi, par exemple, avoir décidé de regrouper dans un même chiffre le nombre de témoignages de femmes lesbiennes et bisexuelles, et les avoir tous classés dans « Lesbophobie » ? Ce choix de regroupement rend invisibles les femmes bisexuelles victimes de discriminations en empêchant de connaître la proportion précise de femmes bisexuelles parmi les victimes. (Accessoirement, je serais curieux de savoir s’il s’agissait de lesbophobie dans tous les cas, et pas parfois de biphobie.) Plus généralement, une présentation des proportions du nombre de victimes par orientation sexuelle déclarée, quand elle est connue, aurait été pleinement à sa place en page 17 dans la typologie générale des cas de LGBTphobie recensés, et aurait permis de connaître le nombre de bi parmi les victimes. Cette statistique figurait dans au moins certains des rapports précédents : je ne comprends pas pourquoi elle a disparu (mais il y a peut-être une bonne raison).

En dehors des chiffres, il n’y a dans ce rapport 2012 aucune manifestation de biphobie identifiée comme telle, qu’il s’agisse de témoignages ou du bilan de l’année écoulée. La biphobie n’existerait-elle plus ? SOS Homophobie n’a-t-elle pas eu de témoignages ? Manque-t-elle de données ? N’a-t-elle simplement pas eu l’idée d’inclure un exemple représentatif de la biphobie dans le rapport de cette année ? Je ne saurais le dire. Mais des manifestations de biphobie, moi, j’en entends parler souvent sur Internet, et l’année 2011 en a connu son lot. Encore faut-il prendre la peine d’y prêter attention.

À côté de ces manques criants, les clichés sur la bisexualité font une apparition dans le rapport de SOS Homophobie, ce qui est un comble. En page 89, la page « La parole à… Sébastien Carpentier » est l’occasion d’un superbe cliché psychanalytique sur la bisexualité, puisque l’homophobie est analysée comme une réaction d’angoisse face à « la bisexualité fondamentale de l’être humain ». On sait combien les associations bi luttent contre cette conception freudienne de la « bisexualité innée » qui aboutit au mythe d’une bisexualité originelle, conception plus que douteuse qui cohabite dans l’harmonie la plus paradoxale avec la négation de la bisexualité en tant qu’orientation sexuelle de plein droit. Au moins les propos de Sébastien Carpentier ne sont-ils pas présentés comme étant l’avis collectif de l’association. Mais enfin ça fait bizarre.

 Je dois préciser, en terminant ce relevé, que je n’ai naturellement pas encore lu in extenso les 174 pages du rapport : j’ai effectué un feuilletage détaillé et plusieurs recherches de mots-clés (« bisex » et « biphobie »). Il est possible que je sois passé à côté de quelque chose, par exemple un témoignage sur une manifestation de biphobie où ne figurerait ni le mot « bisexuel » ou « bisexualité » ni le mot « biphobie ». Mais un tel témoignage ne serait pas très visible pour les lecteurs et lectrices bi qui chercheraient ce genre d’information dans le rapport, ce qui ne serait pas bon signe pour la clarté et la practicité dudit rapport…

En un mot, le Rapport sur l’homophobie 2012 témoigne d’une invisibilité persistante des bisexuel-le-s et des manifestations de biphobie, y compris au sein des travaux d’une association comme SOS Homophobie. En dehors de sa définition, la biphobie n’est pas réellement prise en compte dans ce rapport, et les lecteurs n’y trouveront pratiquement rien sur les problèmes des bisexuel-le-s considérés en tant qu’orientation sexuelle/sentimentale à part entière.

Et dans les précédents rapports ?

La curiosité m’a poussé à consulter les rapports des années précédentes, éminemment pratiques puisque disponibles en ligne depuis 2003, afin de voir comment les bi et la biphobie y étaient abordés. Je vous donne le détail pour chaque année, à lire si cela vous intéresse, mais, si vous n’avez pas le temps, vous pouvez directement sauter au dernier paragraphe pour un bilan général.

Précaution préalable : pour ces anciens rapports, il faut veiller à ne pas tomber dans l’anachronisme. S’il est vrai que SOS Homophobie se devait depuis le début de prendre en compte les bisexuels dans ses rapports, le concept de biphobie, en revanche, n’a émergé que très récemment : pour autant que je le sache, son premier emploi dans une publication grand public remonte à l’article « Biphobie » rédigé par Catherine Deschamps dans le Dictionnaire de l’homophobie, paru aux Presses universitaires de France en… 2003. De toute façon, les rapports des années précédentes ne sont pas disponibles en ligne et je n’y ai pas eu accès sous forme papier, alors nous partirons de 2003.

Le rapport 2003  (ici en pdf) mentionne les bi aux côtés des homos et des trans dans des énumérations (pages 11 et 21). Mais les bi sont aussi présents dans le détail des témoignages. Dans les statistiques générales de l’association (page 21) on voit que sur les 398 personnes ayant contacté l’association par téléphone en 2002, huit se déclaraient bisexuelles (pour 338 personnes homosexuelles, 16 hétérosexuelles et 36 d’orientation inconnue). En page 62, on lit que, sur les 93 femmes ayant appelé l’association, deux se déclaraient bi (contre 56 lesbiennes, 12 hétéros et 22 d’orientation inconnue).

La revue de presse est tout aussi intéressante : en page 105, il est question d’articles parus dans Le Monde le 30 juin 200, dont l’un consacré aux revendications des bi et des trans – un point plutôt positif, a priori. Si le mot « biphobie » n’apparaît jamais dans le rapport, on voit que, en termes d’informations, il y a plus d’informations statistiques sur le nombre de bi victimes de discriminations que dans le rapport 2012 où le mot « biphobie » est partout.

Le rapport 2004 (ici en pdf), bien que ne contenant pas non plus le mot « biphobie », contient lui aussi pas mal de données précises sur les manifestations de biphobie relevées par l’association pour l’année 2003. La partie consacrée aux sites Internet est instructive : en page 17, il est question du site « Catholique et royaliste » qui publie alors un article LGBTphobe contre une manifestation où défilent des lesbiennes, des gays, des trans et des bi. En page 19, l’association dénonce le site Citeok.com, où figurait alors la recommandation suivante : « Ne seront pas acceptées les annonces à caractère homosexuel, couple, bisexuel, sm… » En revanche, le site Doctissimo fait l’objet d’un paragraphe élogieux qui mentionne son forum consacré à l’homosexualité et à la bisexualité (ladite bisexualité est ajoutée entre parenthèses).

En page 33, le très intéressant relevé de réactions d’élèves du secondaire lors d’une intervention de l’association dans un lycée de Seine-Saint-Denis montre le cliché sur les femmes bi rapporté par un(e ?) élève : « C’est plus facile de voir les lesbiennes que les homosexuels. Les femmes bisexuelles c’est bien. » (Pourquoi ? On ne le saura jamais…)

Tout aussi intéressante est la partie consacrée à l’homophobie dans la vie quotidienne : on y trouve un témoignage d’un homme bi : « Un homme, bisexuel marié, témoigne de ces peurs à la suite du chantage dont il est victime par un ancien amant. » Le témoignage est malheureusement regroupé dans un paragraphe « L’homophobie dans les lieux publics », alors qu’un tel témoignage intéresse au premier chef les hommes et les femmes bi qui risquent encore plus d’être victimes du même genre de manipulations !

Le rapport 2005 (ici en pdf) contient un peu moins de choses. En page 64, dans l’analyse des formes de l’homophobie, est rapporté un propos violemment LGBTphobe d’ un internaute qui en a contre « les homosexuels, lesbiennes, et bisexuels et personnes utilisant des accessoires » (on voit qu’aux yeux de cet internaute les bi sont regroupés dans un vaste fourre-tout de personnes anormales, qu’il voudrait « exterminer »). En page 92 est rapportée une enquête sur le suicide chez les homosexuels qui… regroupe les homos et les bi :

« Ces appels au secours font écho aux données connues sur la prévalence du suicide chez les jeunes homosexuels, et notamment l’enquête réalisée par Marc Shelly, médecin en santé publique à l’hôpital Fernand-Widal, à Paris, et David Moreau, ingénieur de recherche à l’association de prévention Aremedia. Leurs travaux, cités le 4 mars 2005 par le quotidien Libération, montrent que la probabilité qu’un homosexuel ou un bisexuel se suicide est treize fois supérieur à celle qu’un hétéro le fasse. »

Pas de chiffres distincts pour les deux populations : les bi sont en situation de « satellites ». On voit que sept ans après, les choses ne changent qu’avec une lenteur désespérante, puisqu’on commence tout juste à s’aviser qu’il pourrait être utile d’avoir des chiffres spécifiquement sur les bi.

Le rapport 2006 (ici en pdf) voit l’arrivée du mot « biphobie » aux côtés de « transphobie », en page 11. (la phrase de définition a été reprise depuis dans les rapports suivants). Les résultats de l’enquête de Marc Shelly et David Moreau, présents dans le rapport 2005, sont brièvement rappelés en page 39 dans la chronologie de l’année passée, puis à plusieurs reprises dans la suite du rapport (pages 131 et 138).

La partie consacrée au mal de vivre contient, en page 124, le témoignage d’un lycéen bisexuel qu’un camarade tente apparemment de forcer à avoir des rapports avec plusieurs personnes. En page 125, c’est une jeune bisexuelle de 24 ans qui exprime son malaise et ses problèmes de dépression après avoir été rejetée par une copine dont elle était tombée amoureuse : elle « se sent mal vis à vis de son identité sexuelle » – mais encore une fois, son témoignage de bisexuelle est regroupé avec ceux d’homosexuels, ce qui n’aide pas vraiment les lecteurs et lectrices bi à se sentir bien vis à vis de leur identité sexuelle, toujours pas prise en compte à part entière…

Aux pages 221-224, le texte de la résolution du Parlement européen sur l’homophobie en Europe, votée à Strasbourg le 16 janvier 2006, rappelle l’avancée majeure que constitue alors cette condamnation de toutes les formes de discrimination fondées sur l’orientation sexuelle, et où les personnes bisexuelles ne sont pas oubliées.

Le rapport 2007 (ici en pdf) montre que les communiqués de SOS Homophobie (récapitulés dans le rapport, comme chaque année) incluent à présent systématiquement les personnes bisexuelles, mentionnées dans des énumérations des personnes à protéger des discriminations (une lettre ouverte à Libération sur des paroles de chansons violemment LGBTphobes en page 124, un communiqué contre l’obscurantisme religieux en Iran en page 139, et un autre contre les violences occasionnées par la gay-pride à Moscou, en page 190). Mais aucun témoignage ni aucun chiffre sur les bi victimes de discrimination. La biphobie n’est abordée que dans sa définition au début du rapport (identique à celle des rapports précédents).

Le rapport 2008 (ici en pdf) contient plusieurs témoignages de personnes bisexuelles. Mais là encore, il faut les chercher un peu partout. Dans la partie sur l’homophobie dans les commerces et services figure le témoignage d’un couple de bisexuels : « Ainsi, Pierre et son ami, tous deux mariés, ne souhaitent pas porter plainte pour ne pas dévoiler leur bisexualité alors qu’ils sont victimes d’un refus de location dans un hôtel. »La partie sur l’homophobie dans la police et la gendarmerie contient le témoignage détaillé d’un policier bisexuel de 39 ans aux pages 116-117. La partie dévolue au domaine de la santé est tout aussi instructive, avec le témoignage d’une jeune trentenaire bisexuelle confrontée à un psy homophobe, en page 156. C’est le Rapport annuel sur l’homophobie qui contient le plus de témoignages de victimes se déclarant bi. Certes, elles sont visiblement confrontées à des manifestations d’homophobie plus qu’à des propos spécifiquement biphobes, mais étant donnée l’invisibilité des bi, ça n’est guère surprenant.

La partie consacrée au taux de suicide dans la population LGBT rappelle ou ajoute, en page 98, les résultats de plusieurs enquêtes. Il y a une information nouvelle incluant les bi : « L’étude de Gary Remafedi (1998) arrivait à des résultats plus alarmants encore : 28 % des répondants homosexuels ou bisexuels de cette étude rapportent avoir fait une tentative de suicide. » Mais pour une information nouvelle, on a droit à une information ancienne tronquée, puisque les résultats de l’enquête de Marc Shelly et David Moreau, qui sont à nouveau rappelés, ne mentionnent plus que les homosexuels…

Des témoignages de bi, donc, mais aucun chiffre spécifique à la population bi, reflet des manques persistants des enquêtes menées alors. Et là encore, rien de neuf sur la biphobie dans ce rapport, en dehors de sa définition au début du document (identique à celle des rapports précédents).

Le rapport 2009 (ici en pdf) est étonnamment vide. Seul point positif : le questionnaire « Contre l’homophobie, je m’engage » (page 21) laisse la liberté aux personnes interrogées de s’identifier comme bisexuelles.  En dehors de ça, à l’exception de la même phrase sur la biphobie, il n’y a ni témoignage de bi, ni chiffres sur les personnes bisexuelles. Le recul est complet.

Dans le rapport 2010 (ici en pdf). Les bi sont systématiquement mentionnés dans les énumérations des minorités sexuelles un peu partout dans les propos généraux et les communiqués. Voyons maintenant le fond. C’est mieux que l’année précédente. Le chapitre sur les agressions physiques prend en compte les bisexuel-le-s dans ses statistiques : à la page 22, les chiffres par orientation sexuelle montrent que 1% des personnes agressées se définissent comme bi. Et on trouve à nouveau des témoignages : en page 48, celui de Kevin, 15 ans, harcelé dans son établissement scolaire après avoir révélé sa bisexualité à un ami qui l’attirait ; en page 56, celui de Richard, 42 ans, victime d’acharnement judiciaire et d’une assimilation de sa bisexualité à de la pédophilie.

Le rapport 2011 (ici en pdf) vaut encore une fois surtout par les témoignages et propos qu’il rapporte. La partie sur les LGBTphobies sur Internet montre, en page 56, les propos transphobes d’un bisexuel sur Internet (décidément la preuve qu’aucune minorité n’est immunisée aux haines ou aux préjugés…). Dans le chapitre sur le mal de vivre, on trouve, mis en valeur comme « focus » en page 73, le témoignage d’un lycéen bisexuel confronté aux réactions négatives de son entourage et de sa famille :

« Antoine, 21 ans, témoigne des difficultés qu’il a eues pour s’affirmer bisexuel. L’école ne l’a pas aidé car elle est le lieu où se mettent en acte les pensées homophobes transmises par la famille : « Dans la cour de récré du collège, les gars se traitaient de PD, de tapettes (…), difficile d’assumer une attirance pour les garçons quand on se rend compte que ladite attirance est sujette à raillerie et à l’origine d’insultes assez violentes. » Antoine a pris conscience à 18 ans que sa bisexualité n’était pas, comme les préjugés peuvent le montrer, une simple histoire de sexualité, mais que cela touchait les sentiments. Suite à sa rencontre avec un autre homme, il a mesuré l’impact de l’absence de modèles positifs. Antoine a refusé toute relation durable car c’était affirmer sa bisexualité. Il a préféré les histoires d’un soir, et a nié ainsi la possibilité que son orientation sexuelle implique des sentiments véritables. Il témoigne des différentes réactions face à l’affirmation de sa sexualité : toutes sont blessantes, dit-il, même les plus positives, car dans un sens elles l’amènent à se sentir différent. Aujourd’hui encore, il redoute de le dire à ses parents. Il a peur de leur réaction et se sent blessé de leur difficulté à l’envisager d’eux-mêmes. Les remarques allant toujours dans le sens d’une vision hétérosexuelle (« quand est ce que tu ramènes une copine à la maison ? ») blessent Antoine, qui comprend que sans coming out, ses parents ne chercheront pas à considérer leur fils autrement qu’hétérosexuel. »

À côté de ça, plus la moindre statistique sur le nombre de bisexuel-le-s parmi les personnes ayant contacté l’association, et toujours rien sur la biphobie en tant que telle, en dehors de la désormais acquise définition en début de document.

Conclusion : un traitement aléatoire et trahissant un manque de vrais moyens

Ce qui ressort de ce survol général des anciens rapports, c’est le caractère étonnamment aléatoire de la part réservée aux bisexuels d’une année sur l’autre. C’est particulièrement frappant en ce qui concerne les chiffres : si SOS Homophobie semble avoir mis au point avec le temps des techniques bien rôdées permettant de cerner précisément les différentes formes d’homophobie, leurs contextes et les personnes qui en sont victimes, et si ces techniques ont été récemment appliquées aussi à la lesbophobie et à la transphobie, la prise en compte la plus basique de la population bisexuelle parmi les victimes ne paraît toujours pas acquise. D’une année sur l’autre, on a des chiffres ou non.

Pour les témoignages, ce n’est pas la même chose, car tout dépend évidemment des appels et des messages reçus par l’association dans l’année écoulée. Mais on peut se demander si tout est fait pour cibler les bi autant que les autres populations. De fait, des bi qui ont des problèmes, il y en a : les témoignages ne laissent aucun doute là-dessus.

Mais ce qui me frappe le plus dans ce parcours, c’est la façon dont la biphobie en tant que telle n’a, au fond, pas du tout été prise en compte par ces rapports. Certes, le mot est apparu en 2006, mais c’est à se demander si l’association elle-même a vraiment compris ce qu’il désigne. Six ans après, il n’y a toujours pas de section ou même de paragraphe consacré spécifiquement aux manifestations de biphobie ou aux témoignages de biphobie. On se contente de copier-coller la définition d’un rapport à l’autre, et d’ajouter « bisexuel-le-s » ou « biphobie » dans les énumérations des minorités LGBT. Bref, on se paye de mots et de symboles, mais le vrai travail, l’étude de la biphobie comme phénomène spécifique, n’est toujours pas commencé !

Le plus étonnant, c’est que les anciens rapports sont parfois plus riches et plus précis que les récents, par exemple en ce qui concerne les manifestations de biphobie sur Internet. Dans la communauté bi, c’est une vérité quotidienne que ces discriminations biphobes, sur les forums gays et lesbiens ou les sites de rencontre par exemple, de même que les clichés véhiculés par les articles de journaux et l’imagerie du « bisexuel chic ». Mais il n’y a rien dans les rapports. Officiellement, ça n’existe pas.

Est-ce si dérangeant de parler de cette biphobie ordinaire si répandue au sein même de la communauté LGBT ?

Contre l’occultation des bi et la biphobie, tout reste à faire

Je suis mécontent et triste de parvenir à un tel constat. Je me garde bien d’en tirer une conclusion unilatérale : j’ai la plus grande admiration pour les activités de l’association SOS Homophobie, et je n’aurais pas une seconde l’idée de lui faire un procès d’intention. Mais en termes de résultats, le constat est accablant. La population bi n’est pas assez prise en compte dans ce rapport, les types de problème qu’elle rencontre ne sont pratiquement pas représentés, et les bi restent noyés au sein de statistiques générales, ce qui ne permet même pas d’évaluer la nature et la fréquence de ces problèmes.

Or, un résultat si pauvre trahit un manque de réel investissement, en termes de calibrage des statistiques et des enquêtes et en termes d’études de la vie quotidienne des bi et des manifestations de la biphobie en tant que phénomène spécifique, distinct de l’homophobie par exemple. Il est important de changer cela, et cela nécessite un travail de fond.

La part la plus compliquée de ce travail – mais aussi celle que SOS Homophobie est la plus à même d’accomplir – consistera à recueillir des témoignages sur la biphobie. Entreprise ardue à laquelle l’association Bi’cause vient de s’attaquer en lançant un appel à témoignages de son côté, mais il est tout aussi important que SOS Homophobie emploie les structures, les volontaires, les moyens et le savoir-faire dont elle dispose déjà pour aider à cette tâche. Je crois d’ailleurs avoir lu que des travaux communs entre Bi’cause et SOS Homophobie sont aussi prévus.

La biphobie existe, tous les bi en parlent, mais au moment de le leur faire dire aux associations qui peuvent s’en occuper, c’est une autre paire de manches. L’esprit communautaire n’est sans doute pas le même chez les bi que chez les homos, et les formes que revêt le rejet des bi sont différentes, souvent plus insidieuses, consistant autant en une occultation de leur existence et en clichés mensongers qu’en rejets brutaux et directs. Mais les dégâts causés par ces rejets existent eux aussi bel et bien, et il est primordial qu’ils ne soient pas occultés aussidans un document aussi important que le Rapport annuel sur l’homophobie.

Je ne peux donc qu’appeler toutes les associations, les associations de personnes bisexuelles comme les associations LGBT généralistes, à redoubler d’attention afin de mieux cerner les problèmes spécifiques aux personnes bisexuelles et de mieux recueillir leurs témoignages, et afin d’obtenir enfin des statistiques permettant de mieux cerner la population bi au sein des victimes de discriminations.

Mais il faut aussi en appeler aux personnes bisexuelles elles-mêmes, qui ne semblent pas avoir encore assez le réflexe de s’adresser aux associations comme SOS Homophobie ou Bi’cause lorsqu’elles sont en butte, sur Internet ou ailleurs, à des manifestations de biphobie ou à des propos cousus de clichés. Ne croyez pas qu’on ne peut rien y faire : on peut, mais si vous voulez faire changer les choses, il faut témoigner ! Aucune association ne peut rien faire si les intéressés eux-mêmes ne prennent pas le temps de parler.

En ce 17 mai, je vous souhaite à tou-te-s une bonne Journée internationale de la lutte contre l’homophobie, la transphobie… et la biphobie !

EDIT : voici une mise au point et un complément sur cet article, intégrant des informations qui m’ont été données par des gens de SOS Homophobie et de Bi’cause au cours de la discussion qui a suivi la publication de l’article.

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(1) Sauf que ça ne marche pas à tous les coups. Tenez, en page 13 par exemple, dans « Comment est réalisé le rapport sur l’homophobie ? », il est précisé que « Ce document n’est donc pas le recensement exhaustif de toutes les manifestations homophobes, lesbophobes ou transphobes survenues en 2011″… pas de manifestations de biphobie dans l’énumération, cette fois. Ça me fait bizarre. Ah ben désolé, à force de voir les bi scrupuleusement inclus dans les énumérations là où ça relève de la précaution diplomatique, je m’attendais à nous trouver aussi dans la partie où on parle vraiment du contenu !

37 réflexions sur « Rapport sur l'homophobie 2012 : les bi et la biphobie quasi invisibles »

  1. Merci pour cette revue en détail. Ca ne m’étonne pas trop. Dans les médias généralistes on parle de Journée contre l’homophobie, dans les médias LGBT on rajoute transphobie, mais jamais biphobie cette année. Il me semble pourtant que l’an dernier on en parlait plus (et moins de transphobie…).

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  2. Merci pour cette analyse… Je retiens particulièrement le paragraphe suivant, que je trouve très juste :
    « Dans la communauté bi, c’est une vérité quotidienne que ces discriminations biphobes, sur les forums gays et lesbiens ou les sites de rencontre par exemple, de même que les clichés véhiculés par les articles de journaux et l’imagerie du « bisexuel chic ». Mais il n’y a rien dans les rapports. Officiellement, ça n’existe pas. »

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  3. Merci pour cette étude très instructive. Une seule chose me vient à l’esprit : « Critiquer est une chose, agir en est une autre ». Je vous invite donc fortement à rejoindre le comité de rédaction du rapport annuel toujours en quête de nouveaux rédacteurs. Ce serait l’occasion de faire valoir votre point de vue et de rédiger un article sur la biphobie. A bon entendeur, salut!

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  4. @ Rédacteur : Oh, je ne fais pas que critiquer, et d’ailleurs cette critique se veut aussi constructive que possible : je parle de ce qui manque (et qui est parfois facile à ajouter), mais aussi des moyens qu’il faut déployer, je fais des propositions.
    Pour le reste, j’agis à mon niveau, selon mes propres compétences. Je suis capable de lire ces rapports, de voir ce qui manque et de faire des propositions, mais je ne prétends pas être un spécialiste en matière de biphobie. C’est pour cela que je place mes espoirs sur des travaux communs entre SOS Homophobie et les associations bisexuelles comme Bi’cause et France Bisexualité Info, dont les militants sont plus expérimentés que moi qui commence à peine… et aussi sur l’utilisation des méthodes d’enquête et de statistiques déjà développées par SOS Homophobie.
    Pour le moment je peux difficilement faire plus, car j’ai aussi une vie en dehors de mes actions militantes, et je ne peux pas être partout à la fois, mais je ne dis pas non : peut-être dans quelque temps.

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  5. Je comprends très bien ce sentiment de frustration de se sentir oublié, ignoré.

    Cependant, il faut savoir que le rapport est écrit à partir de témoignages de victimes d’homophobie, biphobie et transphobie. Malheureusement (est-ce le bon terme), le nombre de personnes se désignant comme bi, ou se disant victime de biphobie est extrêmement faible. Il est donc difficile de pouvoir consacrer un chapitre dirons-nous sur l’aversion envers les bi.

    Il faut savoir également que SOS homophobie a lancé un groupe de travail avec une autre assoce, il me semble, sur la bisexualité il y a quelque mois. Je t’engage donc peut-être à te rapprocher de l’association si tu souhaites t’impliquer dans la visibilité beaucoup plus accrue de la biphobie. Je pense que tu pourrais y apporter beaucoup de choses.

    D’ailleurs, chaque année SOS homophobie cherche des rédacteurs pour son rapport, je pense que cela pourrait aussi t’intéresser de participer à l’association en tant que rédacteur, notamment sur cette question.

    Love, Love, Love.

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    1. @gejir : Ce n’est pas une affaire de sentiment mais de raisonnement. Une lecture approfondie des rapports montre que les personnes bisexuelles n’y sont pas traitées comme une catégorie à part entière, au même titre que les homos ou les trans ; et que le phénomène de la biphobie n’y est pas vraiment traité, malgré les bonnes intentions des définitions dans les premières pages.
      Est-ce que cela veut dire que ces rapports ne font rien pour les bi ? Non, bien sûr, puisque les bi sont confrontés à l’homophobie autant qu’à la biphobie. Mais cela montre tout de même qu’il y a un pan des LGBTphobies qui n’est pas encore traité dans ces rapports.

      Je suis d’accord avec toi sur le fait qu’on ne peut pas tout demander à ces rapports. J’ai pris d’autant plus de précautions dans ce billet (j’espère que les nuances se voient) que je ne connaissais pas la méthode de rédaction des rapports de SOS Homophobie. Par ailleurs, je me doute bien qu’il ne doit pas y avoir beaucoup de personnes s’identifiant comme bi parmi les gens qui contactent l’association (les quelques chiffres donnés dans les anciens rapports vont dans ce sens, même si les choses peuvent avoir évolué depuis). Mais est-ce qu’on peut vraiment en tirer une conclusion quelconque ?

      Le problème tient peut-être à la double nature des rapports de SOS Homophobie. Ce sont en partie des synthèses de témoignages, des sortes de comptes rendus d’activité de la ligne d’écoute de l’association dans l’année écoulée. Mais ils ne se contentent pas de faire ça (ou alors ils ne s’en contentent plus). Ils ont aussi une valeur d’enquête sociologique sur l’état des LGBTphobies en France pendant une année donnée. A ce titre, ils devraient être attentifs à enquêter sur toutes les discriminations, quel que soit le nombre de témoignages directs (sinon, cela revient à structurer entièrement le rapport en fonction de la parole des victimes, selon une logique du « On ne parle que de ceux qui râlent », alors qu’il y a aussi des victimes qui ne témoignent pas et qu’il faut prendre en compte aussi…). D’où l’importance de s’appuyer sur des sondages et enquêtes sociologiques extérieurs et bien calibrés.

      Tout ça est rendu plus compliqué par le fait que les bi n’ont pas encore un sentiment d’appartenance à une communauté aussi bien ancré que les homos et les trans. Ils n’ont sans doute pas le réflexe de recourir aux associations pour défendre leurs intérêts. Je le vois en discutant : ils râlent souvent contre la biphobie, mais c’est quand même compliqué de les persuader d’envoyer des mails aux associations pour témoigner de ce qui se passe.
      Il y a aussi le fait que les bi ont au moins autant affaire à une occultation due à leur position minoritaire, ou à des représentations fantasmées très diffuses dans la société, qu’à des manifestations de rejets aussi claires que l’homophobie de base. La frontière entre méconnaissance, ignorance délibérée et rejet discriminant n’est pas facile à cerner.

      Pour le travail commun avec Bi’cause, j’en parle effectivement dans le billet, et c’est aussi en ayant ça en tête que je l’ai rédigé. J’espère pouvoir en faire plus, mais si déjà je peux apporter ma pierre comme ça et que ce soit utile, ce sera déjà ça 🙂

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  6. @ Red
    on en parlait plus l’an dernier, vraiment ?
    j’ai commencé à découvrir la communauté LGBT en 1981, et pourtant, je n’y vois que peu de progrès dans l’acceptation de la réalité bisexuelle.
    Je m’interroge également sur les parenthèses que tu poses. En tant que BI, je suis très heureuse d’être dans un couple cisgenre/ transgenre. J’espère que tu ne suggères pas que l’on parle trop des transgenres.J’ai des souvenirs de réflexions similaires entendues lorsque l’on a dépénalisé l’homosexualité en 1982. (« il n’y en a que pour eux »)
    Il est important que tout le monde arrive à comprendre et à accepter la notion de genre , d’identité de genre, et se rappelle qu’il y a de nombreux trans gays et lesbiennes…ou bi.On peut ajouter ce combat aux autres qu’il faut CONTINUER de mener.

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  7. Merci à (L)issey de m’éviter un commentaire, je la rejoins entièrement dans son analyse, non bi, simple H mais T, je me suis mise à détester les étiquettes une fois intégrée l’exacte définition de l’identité de genre.

    Continue ainsi, Silvius, en effet les associations LG doivent comprendre un jour que les lettres B, T (et même I) ne sont pas là uniquement pour faire beau dans l’acronyme LGBT.

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  8. Je suis désolé, mais ça part également d’un sentiment ! Quand on parle en mal d’un gay, qu’on rejette/isole une lesbienne, qu’on ignore un bi, ou qu’on refuse un changement d’état civil à une trans, crois-moi, avant tout raisonnement il y a un sentiment !

    C’est un fait, il n’y a que très peu de témoignages de bisexuel-le-s en difficulté ! Peut-être l’association doit-elle améliorer sa communication envers cette part de le population LGBT. Je trouve très intéressant que des personnes extérieurs à la rédaction du rapport ou extérieur à SOS homophobie donnent leur avis, c’est très enrichissant quand c’est constructif comme ton billet. Maintenant, ton dernier commentaire me semble moins pertinent que ton billet, car du coup tu tu juges l’association et essaye de trouver des solutions, sans connaître réellement son fonctionnement, à partir de suppositions (dans un certain sens c’est assez mignon et naif). Je pense que tu peux réellement apporter ta pierre à l’édifice mais justement en participant (dans un certain sens c’est aussi un conseil que moi je te donne) à certains groupe de travail de SOS homophobie dont tu aurais des affinités.

    Du coup, non seulement tu te rendrais compte que si la biphobie est si peu développée dans le rapport, ce n’est pas par un manque d’intérêt, mais en plus, ton expérience et peut-être ta capacité à fédérer des témoignages de bisexuel-le-s victime d’homophobie pourrait enrichir la « base de données » l’association.

    Love, Love, Love.

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    1. @gejir : Heureusement qu’il y a aussi des sentiments 🙂 Je voulais simplement souligner que mon billet était une analyse avant d’être une réaction à vif, histoire qu’on ne pense pas que je râle d’abord et que je réfléchis après ^^ J’ai vraiment conçu ça comme une recherche, une espèce d’exercice. Ça explique aussi que j’aie consulté les anciens rapports (lecture d’ailleurs très instructive).

      Par contre je ne vois pas bien à quel moment tu penses que je juge l’association dans mon dernier commentaire… Je me contentais de réfléchir sur la nature d’un document comme le rapport annuel de SOS Homophobie, et de voir de quelle manière on peut s’y prendre pour éviter les divers biais que peut causer telle ou telle méthode (typiquement, le risque de ne prendre en compte que les discriminations pour lesquelles on a plein de témoignages). Après, il est probable que de ton point de vue je réinvente l’eau chaude (si tu fais partie de la rédaction et participes à la réflexion de l’association sur ces sujets) mais c’est plutôt une bonne chose 🙂

      A titre personnel, mon activité vraiment militante est toute récente, puisqu’elle a commencé avec ce blog que j’ai ouvert en décembre. Je suis en contact avec Bi’cause depuis quelques mois et je viens d’y adhérer. Pour le moment j’ai très peu de temps à consacrer à ce domaine, ce qui fait que mon principal moyen de réflexion et d’action reste ce blog, mais ça évoluera sans doute. Qui sait, on se recroisera peut-être dans des réunions Bi’cause/SOS Homophobie dans quelque temps !

      @ Issey : Personnellement j’avais plutôt compris la parenthèse de Red comme une espèce d’ironie triste : j’avais l’impression qu’elle désespérait de voir un jour une situation équilibrée où toutes les minorités seraient prises en compte correctement.

      @delphine2612 : Merci pour tes encouragements ! Ce n’est pas gagné mais on va finir par y arriver… Ce qui me fait chaud au coeur surtout, c’est de voir qu’il y a des gens dans les institutions européennes et même mondiales (ONU) pour porter la cause de l’égalité des droits des LGBTIQ+++, et que ces gens font très attention à prendre en compte tout le monde (d’ailleurs ils ne parlent pas d’homophobie ou de transphobie mais de « discriminations basées sur l’identité de genre ou l’orientation sexuelle », formules beaucoup plus englobantes). Comme quoi l’espoir est permis !

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  9. Dans tous les cas, ton billet est tout à fait intéressant ! Je suis très heureux de savoir que le militantisme LGBT pour l’égalité des droits compte une personne de plus depuis quelques temps. Et peut importe que tu ailles chez SOS homophobie, Bi’cause ou ailleurs, l’important c’est de s’engager et de réfléchir.

    Bonne continuation, et je suis impatient de lire un nouveau billet de ta part !

    Love, Love, Love.

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  10. @silvius

    et heureusement que l’Europe agit pour « pour porter la cause de l’égalité des droits des LGBTIQ+++, et que ces gens font très attention à prendre en compte tout le monde (d’ailleurs ils ne parlent pas d’homophobie ou de transphobie mais de « discriminations basées sur l’identité de genre ou l’orientation sexuelle », formules beaucoup plus englobantes » !

    Je dois avouer que je ne compte pas (plus) spécialement sur la France pour bouger seule. Comme d’autres sujets, c’est l’Europe qui la forcera à (ré)agir.

    Si tu as suivi mes articles sur mon blog, tu as du comprendre que concernant l’identité de genre rien ne bouge malgré des « blablas » inutiles, voire néfastes, quoique applaudis par des moutons.

    Et merci encore de nous ouvrir les yeux sur la réalité bi.

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  11. Hello tous

    merci à Silvius pour ce gros travail d’analyse que je signalerai à la personne d’SOS Homophobie qui a décidé de s’emparer spécifiquement de la question bi…. car ça y est, depuis peu, il y a quelqu’un impliqué sur ce chantier, ce qui va changer les choses.

    Il y a un constat surprenant. Au sein des associations LGBT qui se sont donné pour mission de défendre les droits des L et des G, et des B, et des T, on a pu se rendre compte avec étonnement qu’il y a des bi, mais… qu’ils ne s’occupent pas particulièrement de la question bi. C’était le cas à SOS par exemple, il y avait bien des bis mais aucun semble-t-il n’avait eu jusqu’ici l’envie ? le cran ? autre hypothèse explicative ? (mais peut importe, c’est ainsi) de consacrer sa connaissance intime ou sa fraternité de bi à une étude spécifique consacrée à la question bi et à la façon dont les bis sont traités.
    Non, dans les assoces le plus souvent les bis s’oublient au bénéfice d’une cause générale, qui prend souvent l’intitulé d' »homo quelque chose ».
    Alors, aujourd’hui, à SOS c’est une femme, qui n’est « même » pas bi (et qui semble seule pour l’instant) qui a décidé de prendre en main la question bi. C’est quand même, je n’ose pas dire « un comble » mais, disons, surprenant. C’est aussi plutôt sympathique, néanmoins je trouve un peu logique à priori que des non bis ne s’investissent naturellement et spontanément dans la défense des bis, alors que les bis eux-mêmes ne le font pas…
    Lorsque que nous avons souhaité ce rapprochement avec SOS homophobie lors de la Journée Internationale de la Bisexualité (JIB) 2011, nous avons aussi incité les bis militants à s’impliquer dans des associations comme SOS Homophobie pour y porter la défense des bi. Visiblement cela n’a pas eu d’écho.

    Ensuite, d’après SOS homophobie lors de notre échange le 23 septembre à la JIB, les bis qui appellent n’osent pas forcément dire qu’ils sont bis (angoisse de biphobie y compris au sein de cet espace d’accueil ?). Alors certes, le protocole de questions n’est peut-être pas bien adapté aux bis (enfin, ça se module), mais il faut bien avouer que notre propre appel à témoignages pour établir une étude statistique sur les bis et la biphobie, ici à Bi’Cause, n’a pas eu non plus de retours…

    Bref, sans vouloir non plus être accusatrice de quoi ou qui que ce soit, il serait souhaitable, si les bis veulent que les choses bougent pour les bis, hé bien que les bis osent ou fassent l’effort de s’impliquer davantage.
    Il n’y a aucune raison que ça se fasse tout seul et il faut d’abord compter sur soi avant d’attendre quoi que ce soit des autres.

    Notre expérience à Bi’Cause, c’est que si on ose agir dans le monde LGBT, et bien on parvient à faire évoluer les choses. Au conseil de mars 2012 de l’Inter-LGBT Ile de France, quand Bi’Cause a demandé à ce que la « biphobie » soit rajoutée dans le corpus revendicatif au chapitre intitulé « lutte contre l’homophobie, la lesbophobie, la transphobie », cette demande a été validée sans problème à l’unanimité.
    Ni les autres associations, ni les structures de l’Inter, ne font obstruction à l’identité bisexuelle. Simplement, comme pour les lesbiennes à un certain moment, comme pour les trans, il faut que les bis fassent connaître qu’il existe une biphobie spécifique et un caractère spécifique de la bisexualité.

    Et on ne peut pas non plus reprocher aux non bis d’avoir du mal à appréhender la bisexualité, alors que la définition de la bisexualité n’est pas toujours évidente pour les bis non plus. C’est la raison pour laquelle Bi’Cause a élaboré sur des témoignages recueillis sur plusieurs années le Manifeste français des bisexuel(e)s.
    Mais on arrive à approfondir encore et tendre à encore plus d’exactitude dans la définition synthétique en s’inspirant des études anglosaxonnes. Et chaque bi a un peu son idée là-dessus. Certaines définitions (par exemple : « la bisexualité c’est l’attirance pour plus d’un genre ou plus d’un sexe », ce qui paraît assez ouvert et synthétique comme définition) font dire à certains interlocuteur « ah c’est la pansexualité alors ». Parfois franchement on a l’impression que les neurones vont faire des noeuds.

    Mais j’ai une très bonne nouvelle : les choses changent et vont continuer à changer (dans le bon sens) si on le veut. Car même si des études récentes ont bien révélé que la réalité du « placard bi » sévit encore au sein des associations et musèle les bis qui ont intériorisé la culpabilité qu’on fait peser sur eux, il nous semble qu’un frisson de « révolte » commence à se sentir. Les bis des assoces généralistes LGBT commencent à prendre en compte davantage la défense des bis. C’est enthousiasmant et encourageant.
    Et, pour ce qui est de la biphobie, quand je vous dis que ça bouge, un groupe s’est constitué non seulement avec SOS Homophobie mais aussi le MAG (et Bi’Cause, donc), et quelques personnes physiques. Deux réunions de travail ont déjà eu lieu. Notre ambition est d’aboutir à la fin de ce travail à un document du genre du rapport anglosaxon. C’est un gros chantier. Vous en aurez bientôt des nouvelles, puisque cela commencera par des questionnaires.

    Par ailleurs, la représentante d’SOS homophobie nous a confié des feuilles de recueil de témoignages d’SOS que nous pouvons faire remplir aux bis qui auraient été victimes de manifestations biphobes. C’était trop tard pour la publication 2012 mais c’est ouvert pour 2013. Venez à l’occasion des réunions de Bi’Cause laisser votre témoignage. Nous transmettrons ces feuilles à SOS pour nourrir le prochain rapport.

    Voilà : il reste beaucoup de murs à déplacer, mais nous nous rendons compte à Bi’Cause que si on s’y colle, avec constance et détermination, les murs bougent et même plus facilement qu’on ne l’aurait cru.
    Ce qui est utile, ce n’est pas de regarder vers le passé et de regretter ce qui n’existe pas, ou de s’étendre en reproches, ce qui est utile c’est de regarder vers l’avenir, sur la base de ce qui manque, pour le faire exister. L’énergie est à concentrer vers l’avant, et la solidarité aussi.
    Et dans cette démarche, plus on sera à s’impliquer dans l’associatif et l’interassociatif, plus loin et plus vite on ira. Donc, si vous le pouvez, rejoignez Bi’Cause (nous avons besoin de militants actifs pour pousser nos actions), rejoignez SOS-H, rejoignez l’assoce LGBT de votre choix sur une thématique qui vous parle pour y défendre la cause bisexuelle.

    Bi’amicalement à tous, et de l’optimisme 🙂
    Nelly, présidente d Bi’Cause

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    1. @ Bi’cause : Merci beaucoup, Nelly, pour tes explications détaillées. A vrai dire, si tu veux bien, j’en ferais bien un billet à part entière, en guise de « suite » au mien ; ça donnerait aussi plus de visibilité à ton appel. Mais je vais attendre un peu (et peut-être regrouper ça avec l’annonce de la Bi’causerie de jeudi). C’est terrible en ce moment : j’avais peur de ne pas poster grand-chose en cette fin de mois, et ça fait deux fois que l’actualité me rattrape ! ^_^

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  12. j’oubliais, et toutes mes excuses, les associations spécifiquement bisexuelles qui se créent comme F.B.I. Une belle initiative, courageuse et militante.
    En s’inscrivant dans l’action associative on a plus de poids pour faire entendre notre voix.

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  13. J’ai du mal à comprendre en quoi la « bisexualité » est différente et occasionne des débordements différents de ceux qui visent l’homosexualité.
    J’aimerais également connaître le caractère d’une agression typiquement « biphobe »

    Enfin, quand je lis ce qui suit, j’ai vraiment l’impression d’un mélange abscons qui n’exprime rien d’autre qu’une volonté de reconnaissance, combinée à une ignorance qui se perd au milieu des contradictions, du monde, aussi bien politique que médical.

    À côté de ces manques criants, les clichés sur la bisexualité font une apparition dans le rapport de SOS Homophobie, ce qui est un comble. En page 89, la page « La parole à… Sébastien Carpentier » est l’occasion d’un superbe cliché psychanalytique sur la bisexualité, puisque l’homophobie est analysée comme une réaction d’angoisse face à « la bisexualité fondamentale de l’être humain ». On sait combien les associations bi luttent contre cette conception freudienne de la « bisexualité innée » qui aboutit au mythe d’une bisexualité originelle, conception plus que douteuse qui cohabite dans l’harmonie la plus paradoxale avec la négation de la bisexualité en tant qu’orientation sexuelle de plein droit. Au moins les propos de Sébastien Carpentier ne sont-ils pas présentés comme étant l’avis collectif de l’association. Mais enfin ça fait bizarre.

    En fait de bizarrerie je ne vois que des affirmations douteuses et absolument pas étayées. Bien sûr que la « bisexualité » est innée. Pourquoi, alors, tant d' »hétéros » auto-proclamés, chercheraient à tout prix une relation avec une fille dotée d’un pénis ?

    Tant que l’on persistera à assimiler sexe et genre, on ne sortira pas de ce débat sans queue ni tête. Ridicule.

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    1. @Phoebus : L’ignorance est peut-être de mon côté, mais l’amabilité n’est guère du vôtre,ni à mon égard, ni à l’égard des bi en général… Mais passons.
      Pour ce qui est de mon billet, je le crois assez bien argumenté pour résister à votre critique, qui ne l’est guère.
      Pour ce qui est du caractère spécifique de la biphobie, je vous suggère la lecture de l’article « Biphobie » du Dictionnaire de l’homophobie, qui répondra à vos questions sur le sujet.
      Quant aux spécificités de la bisexualité, la consultation du site de l’association Bi’cause (http://bicause.pelnet.com/) vous fournira un début de réponse. Si vous souhaitez approfondir les questions propres à la bisexualité, je vous conseille chaudement l’ouvrage de Catherine Deschamps Le Miroir bisexuel. Je n’ose vous suggérer la lecture des billets de la catégorie « Réflexions de fond » sur le présent blog, celui-ci n’ayant pas l’air de vous convaincre.
      Pour ce qui est du caractère inné de la bisexualité, comme de toute autre orientation sexuelle, c’est un sujet qui ne fait pas du tout consensus. Et ce n’est d’ailleurs pas ce que je critique chez Sébastien Carpentier, qui parle d’une « bisexualité fondamentale de l’être humain », c’est-à-dire prétend que tout le monde serait bi de naissance, pas seulement les bi. Là encore, rien de prouvé, et un cliché dangereux dénoncé depuis un bon moment par les bi et par tous ceux qui s’intéressent à la bisexualité. Sur ce point, je n’invente rien.

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  14. @Phoebus

    J’aimerais également connaître le caractère d’une agression typiquement « biphobe »

    Quelques exemples :
    – « bi s’abstenir » dans les petites annonces lesbiennes (et gay, je suppose).
    – On est souvent vu comme des traîtres à la cause chez les homos, comme des gens qui veulent juste se rendre intéressants chez les hétéros. C’est toujours agréable de s’entendre dire « la bisexualité n’existe pas ».
    – A la journée de la bisexualité, on a eu des témoignages de rejets des bis dans les associations gay et lesbiennes.
    – Le fantasme de la fille bi qui va accepter n’importe quoi chez beaucoup d’hommes hétéros

    Tout ça, ce sont des exemples de bophobie, qui viennent souvent du milieu LGBT lui-même et pas des hétéros. Et qui concerne spécifiquement les bis.

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  15. @Issey
    Quand je dis qu’on parlait plus l’an dernier de la biphobie, ce n’est qu’une impression, vraiment, mon ressenti si tu préfères.
    Certainement que l’acceptation des bi dans la communauté LGBT n’a pas connu de véritable progrès depuis les années 80, je veux bien vous croire, et cela m’attriste.
    L’utilisation de parenthèses était maladroit, je voulais juste rajouter une remarque : j’ai aussi eu l’impression que cette année, j’entends plus parler de la transphobie, et c’est une bonne chose ! Je ne voulais pas laisser penser que je trouvais que l’an dernier avait été meilleur en tout, c’était moins bien pour les trans.
    Crois-moi, j’ai bien compris la notion de genre, d’identité de genre, d’orientation sexuelle etc. Je ne le maitrise peut-être pas aussi bien que vous, mais je me suis juste mal exprimée. Bien sûr que c’est bien que nous parlions de tous les LGBT, et qu’on en parle le plus possible !

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  16. @Silvius

    Je suis militant au sein de SOS depuis de nombreuses années (plus de 6 ans) et je trouve cette article intéressant, et relativement constructif. De même que les commentaires.

    Je réagis à titre perso (et non associatif)

    Comme l’a indiqué « Rédacteur », la meilleur façon de nous faire évoluer c’est d’intégrer l’association 🙂 L’association est vraiment très ouverte à la discussion, et pour l’avoir vécu, il est vraiment possible de faire évoluer les choses. En fait on attend même que ça !

    Je précise que l’association est aujourd’hui quasiment uniquement bénévole. Nous sommes une moyenne structure, et nous avons besoin de bras et de talents.

    J’ai bien conscience que tous le monde n’a pas le temps de devenir bénévole. Il existe beaucoup d’autres moyen de nous aider. Le premier étant de parler de nous et surtout d’inviter les bi (mais aussi tous les autres 😉 à témoigner.

    Le formulaire de témoignage en ligne est ici : http://www.sos-homophobie.org/temoigner

    Sylvius je t’invite vraiment à témoigner. A chaque fois que tu trouves un exemple, n’hésite pas à le signaler ! N’hésite pas non plus à relayer l’information. Notre formulaire de témoignage en ligne existe, la ligne aussi ( 0810 108 135 )

    Si tu n’as pas le temps de nous rejoindre je n’aurais qu’un message : parle du formulaire de témoignage de SOS et utilise le ! En tant que blogueur tu as largement les moyens de relayer cette info 😉 Fais le pour nous, pour Bi’Cause : c’est le meilleur moyen de faire évoluer les choses.

    Fred

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  17. @ Red : je pense qu’il y a quand même eu du progrès dans l’acceptation des bis au sein de la communauté LGBT mais avec des variables : Paris-Province / associations-individus par exemple. Il serait intéressant d’analyser ces variables pour affiner les constats.
    Pour quelques remarques à la louche, il me semble qu’à Paris on constate un moindre rejet des bi dans les structures LGBT qu’en Province.
    De même, les associations mixtes (LGBT) de plus en plus prennent en compte la dimension « bi » dans leurs missions, par contre au sein de leurs adhérents, on rencontre encore des manifestations biphobes. Ces manifestations biphobes enracinent le phénomène du « placard bi », les bi qui n’osent pas faire savoir qu’ils sont bis car ils ont peur de la stigmatisation et ont même parfois intériorisé, sous forme de culpabilité de groupe, les remarques biphobes.
    Et comme les bis n’osent pas non plus toujours encore taper à la porte de ces associations, même si celles-ci se veulent bi-friendly dans leurs structures, du coup tout ce qui entoure la bisexualité : sa nature, ses spécificités, ses difficultés propres… sont mal connues (d’où des remarques telles que celles de Phoebius)

    Mon sentiment de militante bi, c’est que la bisexualité, comme tout ce qui est étranger aux personnes qui appréhendent une réalité différente de la leur, provoque une certaine méfiance spontanée et n’éveille pas une fraternité naturelle chez les non bis. Cependant, il suffit de discuter, de partager des choses, des moments, des actions, des manifestations, des bières, d’être présents aux actions du monde LGBT, pour que cette défiance initiale disparaisse. Tout ça est finalement assez humain.
    C’est ce que nous vivons à Bi’Cause au sein de l’Inter-LGBT, aux côtés des autres associations LGBT.
    Je ne vais pas redire ce que j’ai déjà écrit dans mon précédent commentaire.
    Les choses se passent bien et avancent petit à petit et petit à petit les autres apprennent à mieux nous connaître, à accepter certaines différences tout en trouvant la fraternité. Il faut « juste » (je sais, il y a une peur à dépasser) oser s’affirmer et puis montrer qui nous sommes vraiment (à savoir des personnes comme les autres, avec pas plus de défauts et pas plus de qualités, avec des modes de vie divers, au-delà de notre identité bi).

    Fred a raison : il faut oser s’investir en tant que bi.
    Pour deux raisons :
    D’abord si les LGT côtoient les bis en les trouvant sympa sans savoir qu’ils sont bis, ça n’aide pas à contrebalancer les mauvais fantasmes et clichés sur les bis. Les gens continueront de trouver untel ou untel (bi du placard) sympa, fiable, engagé, etc, tout en restant persuadés que les bis sont je ne sais pas, traîtres, inconstants, pas fiables, etc..
    Et ensuite pour faire connaître activement la réalité de la bisexualité et lutter contre les clichés de façon militante.

    Et j’abonde dans le sens de ce que dit Fred : on ne peut pas déplorer une réalité si on ne fait rien pour la changer.
    Il ne faut pas attendre que cela vienne des autres. La réalité associative c’est ça : une association n’est pas une entité, c’est un ensemble de personnes qui donnent du temps pour ce qu’ils croient juste et ce qui leur parle.
    Si la défense de la bisexualité vous parle, venez apporter vos forces vives pour la défendre et construire des actions.

    Pour ce qui est des fiches de témoignage d’SOS-Homophobie, comme je le disais, nous en avons aussi (Léa nous en a données). Reste plus que les personnes viennent y déposer leur témoignage.
    Et encore merci à Silvius pour ses relais
    @ Silvius : il faut que je t’envoie quelques documents qui vont t’intéresser et nourrir ta réflexion

    bi’amicalement
    Nelly Présidente de Bi’Cause

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  18. Salut,

    félicitations pour ton article qui est une critique très construite et constructive, perso en tant que militant de SOS homophobie (mais je n’appartiens pas à la commission Rapport annuel), j’essaie de faire attention à toujours parler de la biphobie dans les interventions en milieu scolaire, et j’insiste toujours, avec d’autres pour qu’elle soit nommée dans la com de l’association. Ensuite, je vais certainement répéter ce qu’ont déjà dit les autres, mais le travail d’une association repose toujours en fin de compte sur l’implication des gens ; et, même si tu as l’impression de ne pas avoir le temps ou de ne pas être qualifié, tes articles montrent de manière évidente tout l’intérêt de ce que tu pourrais apporter.

    SOS homophobie compte à présent une fille au bureau chargée spécifiquement d’intégrer plus étroitement la biphobie, la transphobie et la lesbophobie au sein du travail et de la com de l’association ; par ailleurs je souhaite que le rapprochement entre Bi’cause et SOS se poursuive !

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  19. Le problème, c’est que j’ai l’impression que beaucoup de gens ont l’air de considérer que SOS homophobie est une énorme association, voire une sorte d’institution para-étatique, alors qu’en fait, nous sommes une petite structure, comme l’immense majorité des associations soit dit en passant…Une petite structure qui repose qui plus est quasi totalement sur le travail de bénévoles, c’est-à-dire de personnes non rémunérées et sans horaires fixes. Par ailleurs le rapport, on le répète souvent, est imparfait, puisqu’il repose avant tout sur des témoignages : or nous savons tous que peu de personnes, en définitive, témoignent…

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  20. Yagg critique mais ne montre pas l’exemple, comme le prouve l’article
    « Gay Pride: Lille, Metz, Montpellier et Nantes marchent samedi ».

    Le terme « Marche des Fiertés » aurait en effet été plus approprié.

    Et concernant le Rapport d’SOS homophobie, j’ai proposé aux personnes qui l’écrivent de modifier le titre du prochain Rapport.

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    1. @jo57jo: « Yagg critique mais ne montre pas l’exemple » : je précise que je ne suis pas membre de la rédaction de Yagg, et que je ne suis pas affilié à Yagg autrement qu’en tant qu’utilisateur de leur plate-forme de blogs. Les propos que je tiens sur mon blog ne représentent que ma réflexion personnelle, non la ligne éditoriale de Yagg.

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  21. J’aimerais bien comprendre quelles sont les oppressions spécifiques liées à la bisexualité?

    Si je considère la bisexualité, j’y vois juste une composante homosexuelle et une composante hétérosexuelles. Dans le cadre d’une société patriarcale, hétéronormée et misogyne (et transphobe et raciste sexiste et et et), je n’ai pas l’impression que le versant hétéro de ces personnes soit mis en cause par le système ni susceptible d’oppression. J’ai plutôt l’impression, y compris en lisant les témoignages mentionnés dans l’article, que les oppressions dont on y parle sont liées au fait de « s’outer » dans le monde « normal » et sont donc uniquement liées au versant homo de leur sexualité.

    Je n’aime pas non plus qu’on mélange l’oppression liée à l’homophobie et les rejets que les personnes bi pourraient éventuellement subir de la part des communautés LGBT. Cela appartient à deux types très différents d’oppression. La première fait partie d’un système idéologique reposant sur les concepts de majorité et est le fruit de politiques normalisantes qui créent de l’oppression et de l’ostracisme sur des groupes en minorité ou minorisés. Tandis que la seconde est une réaction de lutte face à ces oppressions et à ces exclusions en exigeant aux personnes de se définir et de ne pas rester dans un flou identitaire. De même, le sexisme est la résultante idéologique d’une classe dominante (les hommes) sur une classe dominée (les femmes) et on ne peut pas parler de sexisme quand on tente de définir des comportements misandres. Tout comme on ne peut pas parler de racisme anti-blanc pour définir les comportements de rejet des blancs par les personnes racisées. C’est important de ne pas tout mélanger et de percevoir les différences systémiques entre l’oppression des minorités par des pouvoirs totalitaires (généralement accompagnée d’une intégration forcée ou plus ou moins consentie) et les discours et les pratiques de lutte de ces groupes minorisés, que tu sois d’accord avec les méthodes employées ou non.

    En ce qui concerne la bisexualité, la situation est peut-être différente entre hommes et femmes (cisgenre ? je ne me sens pas particulièrement apte à parler à la place des personnes trans, peu importe leurs orientation sexuelles), du fait de l’appartenance à un sexe dominant ou assujetti (de naître / être homme ou femme). Je me permets juste de donner mon avis sur le versant ‘femme cis’ de la chose. Je le sais bien pour l’avoir vécu, être bisexuelle en ce monde équivaut généralement à être hétéra comme régime politique, c’est à dire, la plupart du temps, c’est à dire, vivre le quotidien en tant que sujet hétérosexuel et donc assujetti et, dans le meilleur des cas, à avoir des relations sexuelo-amoureuses avec des femmes de manière anecdotique et secondaire. Ca veut dire aussi, la plupart du temps, n’avoir aucune culture lesbienne et baigner donc dans la culture hétéro ou homosexuelle (c’est à dire gay). Ca veut aussi dire de ne pas vivre spécialement d’oppression liée à son orientation sexuelle (donc, au-delà d’être une femme dans un monde patriarcal) puisque les bisexuelles passent généralement pour des hétéras dans le monde « normal » et que les rapports sexuels entre femmes sont exotisés par les hétéros et sont objets de fantasmes. Ceci explique d’après moi pourquoi des personnes des milieux LGBT peuvent se dire anti-bi.

    En ce qui me concerne, après avoir vécu longtemps dans le flou de la bisexualité, j’ai compris que je n’avais plus aucun enjeu avec les hommes cis hétéros, que j’avais besoin de me définir de manière plus claire en tant que lesbienne tant pour des questions d’orientation sexuelle que de positionnement politique.

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    1. @SaraM: Merci d’avoir pris le temps de détailler ta pensée 🙂 Pour te répondre sur ces différents sujets :

      – On ne peut pas comprendre bien la bisexualité si on se contente de dire « c’est à la fois homo et hétéro ». Là-dessus, je te conseille la lecture des billets de ce blog qui se trouvent dans la catégorie « Réflexions de fond » : « Pourquoi une communauté bi est nécessaire », où j’explique pourquoi la bisexualité n’est pas juste « homo+hétéro », et « Dans la peau d’un bi », où je détaille mieux mon ressenti (en essayant d’élargir un peu à partir des témoignages d’autres bi que j’ai écoutés ou lus jusqu’à présent). Ce n’est pas pour faire ma pub, mais j’aurais du mal à mieux détailler ce que j’ai à dire là-dessus que je ne l’ai fait dans ces articles, qui m’ont pris beaucoup de temps et devraient pouvoir nourrir ta réflexion.

      – Je comprends les distinctions que tu opères et pourquoi tu tiens à les opérer, mais il me semble que cela t’entraîne à fermer les yeux sur toute une partie des discriminations. Par exemple, si je m’en tiens à la définition de base du racisme, il n’est nullement le monopole des blancs ou des Occidentaux ou quelque chose de e genre. Il y a racisme dès lors que quelqu’un discrimine un groupe humain sur la base d’une distinction de race (donc de couleur de peau ou de type physique, avec une justification pseudo-scientifique derrière dans pas mal de cas). Il y a du racisme dirigé contre les blancs, tout comme il y en a contre les noirs et d’autres groupes humains. Je comprends que tu veuilles disposer de deux concepts différents pour distinguer les phénomènes vraiment massifs et exercés par des catégories globalement dominantes (racisme exercé par les blancs, en lien avec le lourd héritage colonial, sexisme exercé par les hommes en lien avec le patriarcat, etc.). Mais il ne faut pas en venir à négliger le fait qu’aucun groupe humain n’a le monopole de l’intolérance ou de l’ignorance. Il peut y avoir des phénomènes de discrimination violents chez des groupes par ailleurs dominés. A vrai dire, ça n’a même pas grand-chose de surprenant : c’est parfois quand on est discriminé qu’on a encore plus besoin, par facilité, de se rassurer en se trouvant soi-même des souffre-douleurs, histoire de sentir supérieur en quelque chose.

      Ces nuances ne changent rien au fait que je suis d’accord avec toi quand tu dis qu’il faut distinguer l’oppression liée à l’homophobie et les rejets que les personnes bi pourraient éventuellement subir de la part des communautés LGBT. Mais je ne suis pas d’accord avec toi pour la raison que tu cites. Le fait que la discrimination que subissent les bi parmi les LGBT soit exercée par un groupe par ailleurs dominé (les gays et les lesbiennes) ne change rien à l’affaire pour les bi : ils sont dominés sur toute la ligne, puisqu’ils se trouvent par rapport aux gays et aux lesbiennes dans la situation dans laquelle les gays et les lesbiennes se trouvent par rapport aux hétérosexuels. La différence est qu’ils ne sont pas rejetés à cause de leur part d’attirance pour le même sexe (heureusement !) mais bien à cause de leur bisexualité. On leur reproche de ne pas vraiment être ce qu’ils disent être, d’être des homos lâches ou des hétéros en quête de plaisirs faciles et bien cachés ; ou alors on les accuse d’hésiter, ou d’être infidèles, etc. etc. C’est pour cette raison que le concept de biphobie a été inventé.
      Après, peut-on expliquer en partie la biphobie en supposant qu’elle est une conséquence de la situation de domination vécue par ailleurs par les gays et les lesbiennes ? Oui, sans doute. C’est une explication, mais pas une justification : la biphobie reste une discrimination aussi grave que l’homophobie, même si elle est différente et même si elle s’exerce dans un cadre différent. Qu’un gay ou une lesbienne vive dans un contexte de méfiance et de difficulté à construire et à défendre son identité, et que ce contexte forme un terrain favorable au développement de la biphobie, oui, c’est sûrement vrai. Mais ça n’est pas une excuse.

      – Sur la différence de vécu entre bisexuels et bisexuelles, je suis entièrement d’accord avec toi : le genre compte et les difficultés rencontrées, les discriminations qu’on subit, ne sont pas entièrement les mêmes. Mais ça varie aussi beaucoup d’un individu à l’autre. Il y a des femmes bisexuelles qui sont très intégrées au milieu LGBT et fréquentent beaucoup de lesbiennes (d’où souvent des problèmes de biphobie), tandis que d’autres ne fréquentent pas du tout la communauté. Idem pour les hommes. Les pratiques en termes de relations, de vie sexuelle, mais aussi les identités individuelles qui se forgent à travers ces parcours, sont très variables.
      Par contre je ne comprends pas ta conclusion : en quoi cela explique-t-il pourquoi des personnes des milieux LGBT peuvent se dire anti-bi ? (Donc biphobes, on est d’accord…)
      Est-ce parce qu’à leurs yeux les bi seraient des privilégiés qui auraient la possibilité de vivre cachés sans problèmes dans la société hétéronormée ? C’est un préjugé sur les bi assez répandu (le mythe du bi comme « agent double »), et qui oublie au passage les énormes difficultés personnelles que les bi rencontrent : un bi « caché » parmi des hétéros n’est pas plus heureux qu’un gay « caché » parmi des hétéros… parce qu’un bi, ce n’est pas juste un hétéro avec une homosexualité en option, qu’il pourrait déplier le temps de tirer un coup puis oublier jusqu’à la prochaine passade. Ça ne fonctionne pas comme ça. C’est un vécu permanent, des désirs et des sentiments quotidiens… comme les homos et les hétéros, quoi.

      Sur ton parcours personnel, je suis content que tu aies l’impression d’avoir avancé et que tu aies trouvé une identité qui te convient bien : ce n’est ni court ni facile. Bonne continuation 🙂

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